TRIBUNE LIBRE: Démocratie participative et gaz à effets de serre

Il y a plus de deux ans déjà, le gouvernement du Québec, par décret, obligeait tous les organismes municipaux à tenir leurs réunions à huis clos d’abord, et à distance par visioconférence ensuite. La plupart des élus aux quatre coins de la province se sont donc équipés en caméras et micros et les rencontres en «Zoom» ou en «Teams» étaient même disponibles au public.

Puis, au printemps 2022, le Ministère des Affaires municipales et de l’habitation (MAMH) a obligé tous les organismes municipaux à reprendre le mode présentiel. À Trois-Rivières, en avril, deux conseillers absents physiquement pour des des raisons de santé, mais présents par visioconférence, ont été considérés légalement absents et n’ont pas eu le droit de vote ni de parole (Le Nouvelliste, 7 avril 2022).

La «raison» derrière la loi qui oblige les élus à siéger en présence est soi-disant pour favoriser la participation du public. Avec le retour en salles, force est de constater que personne, sauf de rares exceptions, ne s’y rend, et que la participation citoyenne était plus facile, plus accessible par liens de visioconférence. Pas besoin de se déplacer pour assister : on clique sur le lien, bien assis devant notre écran, et, dans certains cas, on peut même lever la main virtuellement pour poser une question!

La pandémie et l’obligation de tenir les rencontres par visioconférence nous a démontré que ce mode de fonctionnement est totalement possible et efficace. En tant qu’élu d’une municipalité en faisant partie, je siège sur le conseil d’administration (CA) de la Régie intermunicipale de gestion de déchets solides de la région de Coaticook (RIGDSC). La RIGDSC étant soumise aux mêmes lois que celles qui régissent les municipalités, les rencontres doivent depuis ce printemps se tenir en présentiel.

La RIGDSC regroupe 22 municipalités, sur un territoire qui s’étend en Estrie de Orford à Saint-Venant de Paquette, et de Ogden à Martinville. De par ses statuts et règlements, le CA de la RIGDSC doit se réunir une fois par mois (une pause au mois d’août). Ceci oblige donc les représentants des municipalités membres à parcourir près de 1400 km chaque mois et ainsi «perdre» collectivement 22 heures sur la route. (N.B. Ce calcul a été fait en prenant la distance entre le bureau de chaque municipalité et la salle communautaire de Sainte-Catherine-de-Hatley où les CA ont lieu et le temps de route est celui calculé par Google Maps.). Dans bien des cas, le temps passé sur la route dépassera le temps même de ces rencontres qui durent rarement plus de 75 minutes.

Selon le site https://www.cgd-metropolitain.com/outils-mobilite-durable/calculateur-de-ges/, cela représente plus de 600 kg de CO2 contribuant aux gaz à effet de serre, à chaque rencontre (plus de 6 tonnes métriques par année). De plus, aucun citoyen ne se déplace pour assister à ces réunions, pourtant publiques…

Le bilan de cette obligation de présentiel : perte de temps, moins de participation citoyenne, coûts supplémentaires (en particulier depuis la hausse vertigineuse du prix de l’essence!), et une émission inutile de gaz à effet de serre. Imaginez maintenant ce bilan à la grandeur du Québec…

Il est donc urgent que, dans un premier temps le gouvernement du Québec permettent (par décret le temps de modifier la loi) que les réunions se tiennent en mode à tout le moins hybride, et, dans un deuxième temps, finance l’acquisition et l’installation de système de captation audio et vidéo dans toutes les salles où des réunions publiques peuvent se tenir.

Je prends ici comme exemple la salle communautaire de Sainte-Catherine-de-Hatley qui n’a pas de tels équipements, à l’instar de la salle du conseil de notre petite municipalité.

Au-delà des raisons sanitaires qui nous ont obligés à tenir les réunions à distance, nous devons maintenant l’envisager pour des raisons écologiques, pratiques, économiques, mais, aussi et surtout, de participation citoyenne.

Michel-Henri Goyette

Maire de Martinville