Résidus pharmaceutiques et agricoles dans l’eau potable
MEMPHRÉMAGOG. Une touche d’acétaminophène, de naproxène (anti-inflammatoire), d’ofloxacine (antibiotique) et de caféine, tout cela ajouté à quelques autres résidus pharmaceutiques, pesticides et cyanotoxines; voilà ce qui a été détecté dans l’eau potable de 18 municipalités de l’Estrie, Centre-du-Québec et de la Montérégie… Eau qui est par la suite bue par des milliers de personnes.
C’est ce que révèle une étude menée sur huit mois consécutifs, de mai à novembre 2014, initiée par une société privée, BlueLeaf, en collaboration avec un groupe de chercheurs du département de génie civil de l’Université de Sherbrooke et coordonné par le professeur Hubert Cabana.
Sur le territoire de la MRC de Memphrémagog, l’eau du Canton d’Orford et Ayer’s Cliff a été analysée en laboratoire.
Les municipalités visées par cette étude ont été choisies pour leur source d’eau potable souterraine, sauf Drummondville et Sherbrooke qui puisent leur eau dans une source dite de surface, et parce qu’elles disposent d’un réseau de distribution. Elles ont aussi été sélectionnées en fonction de la possibilité d’en faire la tournée en une seule journée. Les deux grandes villes figurent sur la liste afin d’établir des comparaisons.
Le but de l’étude était de déterminer s’il y avait présence ou non de ces contaminants dans l’eau potable. «Et la réponse est oui», laisse tomber le président de BlueLeaf, Barry Husk. «On se préoccupe plus ou moins de la concentration présente de ces contaminants parce que la majorité de ces produits-là ne sont pas encore assujettis à des normes. Donc les municipalités ne sont pas tenues de les analyser», poursuit-il.
La présence révélée de ces contaminants est à ses yeux un indicateur de la contamination de l’eau potable par les eaux usées humaines et par des produits agricoles. Les systèmes de traitement d’eau s’avéreraient incapables de traiter ces contaminants. «Ils persistent dans l’environnement et on en ajoute constamment, donc ils sont de plus en plus présents», résume Barry Husk.
À sa connaissance, il s’agirait de la première étude portant sur la présence de ces contaminants dans l’eau potable souterraine réalisée au Québec et l’une des rares, sinon la seule, au Canada. «Nous savons, par des études précédentes, que ces contaminants se trouvent dans les eaux usées, les lacs et les rivières. Cependant, cette étude montre maintenant qu’ils sont également présents dans les eaux souterraines et l’eau potable», indique encore M. Husk.
Le tableau ci-contre démontre les contaminants qui ont été détectés par les municipalités participantes de la MRC de Memphrémagog. «La présence des contaminants identifiés varie au cours de la période des prélèvements, mais on peut suivre rapidement dans l’eau potable les contaminants issus des opérations agricoles d’épandage de fumiers, de semis et d’herbicides après application», note M. Husk.
Habituellement, ce type d’étude est réalisé sur une plus courte période. Or, les chercheurs tenaient à avoir des données incluant le printemps et l’automne, périodes pendant lesquelles la circulation d’eau est accrue dans la nappe phréatique. «On voulait aussi couvrir la période de la culture agricole», ajoute le président de BlueLeaf.