Quand l’itinérance frappe de nouveaux visages

PORTRAIT.  Sans surprise, la hausse du coût de la vie frappe de plein fouet les gens les plus vulnérables de la région de Memphrémagog, notamment pour se loger. Mais ce qui peut surprendre, c’est que les appels à l’aide proviennent aussi de citoyens diplômés et travailleurs, dont les revenus ne sont plus suffisants pour joindre les deux bouts à la fin du mois. 

Intervenante de proximité en itinérance à Ressource Relais Memphrémagog, Janie Lefebvre travaille au quotidien à aider les résidents de la région à subvenir à leurs besoins essentiels, notamment en ce qui a trait au logement. Elle-même se dit frappée par le profil de sa clientèle qui n’a rien à voir avec les idées parfois préconçues en lien avec une personne à la rue. «De nos jours, tout le monde est à risque de se retrouver en situation d’itinérance. Il suffit d’un imprévu pour que la vie bascule. On voit des travailleurs, qui occupent un emploi à temps plein, et qui ne sont plus capables d’arriver. J’accompagne même une femme, qui avait un très bon emploi, mais qui a reçu un diagnostic de cancer et qui doit arrêter de travailler pour suivre des traitements de chimiothérapie. L’aide qu’elle reçoit ne couvre même pas ses dépenses de base, si bien qu’elle doit se tourner vers des organismes pour la première fois de sa vie», partage Jessica Lafrance.

Cette dernière est aussi intervenue récemment auprès de personnes immigrantes, un phénomène relativement nouveau dans sa pratique en sol magogois. 

Logements modestes à prix de luxe

On le sait, la hausse du coût de la vie s’est traduite dans pratiquement toutes les dépenses du quotidien. Le loyer en est un bel exemple puisqu’à Magog, les coûts pour avoir un toit ont atteint des niveaux jamais vus. «Tous logements confondus, le coût moyen d’un logement à Magog est de 1400 $ par mois, sans compter tous les autres frais connexes comme l’électricité et les assurances. Comment une personne seule, qui travaille à un bon salaire, peut-elle y arriver sans s’endetter? Et à 1400 $, on ne parle pas d’un logement très grand et luxueux. Le prix est uniquement dû à la rareté.»

La preuve, les loyers dispendieux sont devenus monnaie courante à Magog, quel que soit le secteur. Par exemple, dans le quartier des Tisserands, qui a longtemps été considéré comme un quartier plus accessible, on retrouve sur le marché un 3 1/2 à 1200 $ par mois (rue Stanley) ou encore un 4 1/2 à 1000 $ par mois (Principale Est). «Les loyers à un prix abordable sont tellement rares que tout le monde saute sur l’occasion. Au final, le propriétaire a l’embarras du choix, donc il y a de bonnes chances qu’une personne non-fumeuse, sans chien, avec un bon crédit, soit priorisée, encore plus si c’est une femme sans enfant», constate pour sa part la gestionnaire de Ressources Relais, Jessica Lafrance. 

Des lits d’urgence toujours occupés

Depuis trois ans, il existe deux appartements d’urgence à Magog pour desservir l’ensemble de la MRC de Memphrémagog. Il s’agit de Solidarité logement. Chaque unité, soit une pour les femmes et l’autre pour les hommes, dispose de deux lits.

La durée des séjours est d’environ 55 jours, le temps que les occupants puissent trouver un hébergement de plus longue durée. «Les deux appartements sont toujours occupés, alors c’est clair qu’il en faudrait davantage, poursuit Janie Lefebvre. Le problème est lorsqu’il n’y a pas de place disponible, on est obligé de référer les gens à des ressources à Sherbrooke et même plus loin. Mais quand on parle d’une famille, sans voiture, qui a des enfants à l’école à Magog ou encore des personnes âgées qui ont vécu toute leur vie ici, c’est loin d’être idéal, mais malheureusement, parfois, on n’a pas le choix de les déraciner.»

En ce qui concerne les logements abordables de type HLM (Habitations à loyer modique), le même constat s’impose. La demande excède de beaucoup l’offre, alors bien des gens dans le besoin doivent «endurer leur sort» et se croiser les doigts sur une liste d’attente.

D’autres n’y ont même pas droit, comme le rappelle Jessica Lafrance. «Il faut avoir un certain niveau de revenus pour être admissible à un logement abordable. Actuellement, une personne qui travaille au salaire minimum, 35 heures par semaine, gagne trop d’argent pour y avoir accès et pourtant, on ne parle pas d’un revenu annuel très élevé. C’est donc dire que cette personne n’a pas d’autre choix que de se tourner vers les loyers disponibles, à fort prix, même si ces moyens financiers sont très limités. C’est la triste réalité.»

Les organismes à la rescousse

Heureusement, c’est dans ce contexte que les organismes communautaires jouent un rôle crucial pour freiner ou du moins, ralentir cette roue infernale. On pense notamment à la Banque alimentaire Memphrémagog pour la nourriture, le Coeur sur la main pour des dépannages alimentaires et des biens matériels, ou encore bien d’autres ressources d’aide. «Ni les salaires ni les prestations d’aide sociale n’ont suivi le rythme de l’inflation, alors ces ressources sont plus que jamais indispensables. Mais encore là, il faut que les gens puissent y avoir accès facilement. Les récentes coupes dans le transport collectif sont un exemple concret d’un impact pour des personnes sans voiture. Avant de prendre une décision, il faut toujours garder en tête que tout est interrelié», rappelle Mme Lafrance.

Portrait de l’itinérance en chiffres

82

Nombre de personnes à risque ou vivant une situation d’itinérance dans Memphrémagog. De ce lot, on retrouve 35 femmes, 29 hommes et 18 enfants.

24

Personnes ayant eu besoin d’un hébergement d’urgence à Solidarité logement

1400

Coût mensuel moyen en dollars pour un logement à Magog

864

Nombre d’intervention pour des problématiques de logement en 22/23. Il y a dix ans, le nombre d’interventions se chiffrait à 56.

(Statistiques du 1er avril 2022 au 31 mars 2023 fournies par Ressource Relais Memphrémagog)