Magog: un incendie gravé à jamais dans la mémoire des pompiers

TÉMOIGNAGE. La nuit du 16 octobre 2018 restera à jamais gravée dans la mémoire des pompiers du Service de sécurité incendie de Magog. Qu’ils aient combattu de près ou de loin le brasier, qui a ravagé une partie du centre-ville, tous sont conscients que le bilan aurait pu être beaucoup plus dramatique. Le chef aux opérations, Steve Lavoie, fait partie des premiers pompiers à être arrivés sur les lieux de l’intervention vers 3 h 30. Alors que l’appel initial laissait croire à un simple trouble électrique, les premiers répondants ont vite réalisé qu’ils avaient affaire à quelque chose de beaucoup plus grave. «Au début, il y avait tellement de fumée que les flammes étaient cachées. On arrivait quand même à les voir à travers les panneaux de ventilation. C’est là qu’on a compris que c’était sérieux, qu’il y avait un embrasement généralisé», explique celui qui était aux commandes de l’opération. Les secours se sont aussitôt précipités à l’intérieur du bâtiment situé au 12, rue Deragon, afin de s’assurer que personne ne se trouvait à l’intérieur. Avant même l’arrivée des secours, plusieurs locataires avaient déjà évacué leur appartement. Toutefois, une personne manquait toujours à l’appel. «Le résidant était pris au 3e étage, se souvient le chef Lavoie. En raison de la proximité des fils électriques, les gars ont utilisé une échelle portative pour procéder au sauvetage en façade. Disons que ça commençait à être le temps que la personne sorte de là.» Une fois tous les sinistrés en sécurité, le moment était venu de s’attaquer à l’incendie. Par contre, les pompiers ont dû se rendre à l’évidence: il était déjà trop tard pour sauver l’imposante bâtisse, construite au début des années 1900. «Le feu sortait de partout comme une torche. C’était vraiment intense. J’en ai vu des incendies dans ma carrière, mais c’est la première fois que j’en vois un aussi rapide. Tous les facteurs jouaient contre nous, surtout le vent, qui était vraiment très fort. On faisait face au pire scénario que l’on pouvait s’imaginer», assure-t-il. Malgré l’ampleur de la scène et les risques de propagation, Steve Lavoie assure qu’il est parvenu à garder la tête froide du début jusqu’à la fin. Il soutient que tous les pompiers sur place ont fait preuve d’une grande force de caractère dans les circonstances. «Personne n’est insensible à ce qui se passe. Mais quand on fait ce métier, on tombe dans un état d’esprit qui nous permet d’être complètement concentrés sur l’objectif. Tu vis sur l’adrénaline et c’est le lendemain ou les jours d’après que tu réalises vraiment ce qui s’est passé», raconte l’intervenant. Heureusement, le chef Lavoie se dit privilégiée de faire partie d’une brigade aussi unie. Une camaraderie qui permet, selon lui, de tourner la page plus facilement lorsque des événements aussi dramatiques se produisent. «On est vraiment bien supporté à l’interne, soutient-il. Il y a un effet de groupe qui permet de désamorcer et ventiler nos émotions. C’est sûr que ces images, on va les avoir dans notre tête pour la vie. Mais l’important, c’est d’en parler et de faire la paix avec ces souvenirs.» Le retour à la réalité est moins lourd avec un bilan somme toute positif, malgré l’étendue des dégâts et que deux pompiers ont reçu des soins d’urgence. Celui qui a subi les blessures les plus importantes a effectué une chute de trois étages. Le Sherbrookois a obtenu rapidement son congé de l’hôpital, mais sa convalescence durera plusieurs mois. «Quand un pompier se blesse, ça vient nous chercher. On est une famille très soudée et même si on ne travaille pas dans le même service, tout le monde se connaît. C’est «rough», mais on se serre les coudes. Chose certaine, j’espère que personne n’aura à revivre une intervention comme ça dans sa vie», conclut le chef Lavoie. Des tisons à des kilomètres à la ronde Le chef aux opérations, Martin Pomerleau, n’était pas en service lorsque les flammes ont pris naissance sur la rue Principale Ouest. Toutefois, il s’est réveillé lorsque ses collègues ont demandé l’assistance d’un plus grand nombre d’effectifs possible. Et le chef Pomerleau n’a pas eu à se rendre bien loin pour réaliser la gravité de la situation. «C’est très rare d’arriver dans les débuts d’un incendie en 5e alarme. Ça démontre à quel point c’était sérieux, affirme-t-il. Quand je me suis rendu sur la rue Saint-Luc pour aller chercher du matériel, il y avait des tisons qui tombaient dans la cour de l’ancien garage municipal. Pourtant, on est loin du centre-ville! C’était presque surréel.» Martin Pomerleau se souvient aussi que les rues avoisinantes de l’incendie étaient transformées en «tapis de tisons», ce qui a ajouté à la complexité de l’intervention. Pour lui, il ne fait pas de doute qu’il s’agit de l’incendie le plus important des dernières décennies. «De mémoire, la dernière fois qu’il y a eu une propagation du genre, c’est lors d’une intervention sur la rue Dollard, il y a environ sept ou huit ans. Trois bâtiments avaient été endommagés. Mais ça ne se compare pas à ce qui s’est passé au centre-ville. Honnêtement, je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi intense», conclut le pompier d’expérience.