« Le complotisme est toxique pour les familles et la société »

LIVRE. Un professeur magogois de l’Université de Sherbrooke, David Morin, cosigne un livre dont l’objectif consiste  notamment à rétablir les liens des familles déchirées par le complotisme.

M. Morin et Marie-Ève Carignan sont les coauteurs de l’ouvrage destiné au grand public et intitulé « Mon frère est complotiste: comment rétablir le lien et le dialogue social ».

Selon les auteurs, l’idée de base provient de leurs nombreuses rencontres avec des gens désemparés qui ont rompu des liens avec des proches, en raison de divergences d’opinions sur le complotisme et le conspirationnisme.

« Nous avons rencontré des gens dépourvus et des familles déchirées, raconte M. Morin. Des gens se disputent, ne se parlent plus et se sentent coupables. Notre but est d’expliquer ce phénomène et de livrer des outils de compréhension afin de rétablir le dialogue. »

Après plus de deux ans de pandémie, les auteurs ont jugé que c’était un bon moment pour publier ce livre, surtout que la crise sanitaire a contribué à générer des « idées complotistes ».

M. Morin tient toutefois à préciser que les contestations des mesures sanitaires ne riment pas nécessairement avec les partisans des complots au sens large du terme. Il prévient aussi le lecteur que le complotiste type n’est pas toujours « sous-éduqué et ne conduit pas automatiquement un pick-up ».

L’ouvrage est conçu pour combattre le conspirationnisme qui polarise les débats et détériore le climat social et politique. « Ce phénomène est toxique pour les familles, les collectivités, la démocratie et les institutions », s’inquiète M. Morin.

Il cite l’exemple du « grand mensonge » américain où plusieurs persistent à croire que les élections de 2020 ont été véritablement volées et falsifiées. Il observe aussi ces tendances dans les religions, dans les médecines alternatives et même chez certains environnementalistes d’extrême gauche. Plus près de chez nous, il pense au « convoi de la liberté » à Ottawa et aux menaces adressées à des politiciens québécois lors de la dernière élection provinciale, incluant au député d’Orford, Gilles Bélanger.

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR

Mieux vaut prévenir que guérir pour faire reculer le complotisme, tel est le principe de David Morin. À ses yeux, il faut éviter que le climat social et politique des États-Unis contamine le Canada. « Conspirationnisme, extrême droite et radicalisme vont souvent de pair, enchaîne-t-il. Il faut être vigilant, car on a constaté un noyau dur de conspirationnistes de 6% au Québec et de 9% au Canada. On augmente de 15% avec les modérés. »

David Morin déplore aussi que tout ce système est souvent structuré et alimenté par des leaders qui s’enrichissent ou qui en profitent pour promouvoir leurs idées. « On a suivi 50 leaders pendant notre recherche, et nous étions souvent à un clic de pouvoir faire des dons en argent. »

La recherche des auteurs a servi à composer un vaste rapport déposé auprès du gouvernement du Québec. Ils ont notamment scruté les réseaux sociaux d’une cinquantaine de leaders pendant 18 mois. S’ajoute un vaste sondage canadien auprès de 4500 personnes servant à mesurer leur degré d’adhésion aux mouvements conspirationnistes. Des entrevues avec des experts ont également été réalisées.

QUI SONT LES AUTEURS?

David Morin est professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Il est titulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents. 

Marie-Ève Carignan est professeure au département de communication de l’Université de Sherbrooke.

Les coauteurs étaient invités à l’émission « Tout le monde en parle », le 30 octobre dernier, pour parler du livre. C’est la quatrième invitation de M. Morin sur ce plateau. On l’invite régulièrement pour commenter l’actualité canadienne et internationale.