«La santé n’est pas gratuite, il faut la gagner»

BOOMERS ACTIFS. Pour être d’attaque à 66 ans chacun, Bernard Jacob et Lucie Clément mènent une retraite bien remplie entre les nombreux voyages et une discipline sans faille dans l’alimentation et surtout l’activité physique.

Avant la porte de la cinquantaine, leur vie était déjà colorée de saines habitudes. «On fait activement du sport depuis très longtemps», marmotte Bernard Jacob à mots perdus, cherchant l’année exacte en vain. Ce moniteur de ski alpin ne saurait résumer 34 ans d’activité à temps partiel dans la montagne. Il y investit davantage de passion depuis qu’il a décroché en 2011, après 33 ans chez Alcan en qualité de représentant commercial.

Sa conjointe, Lucie Clément, l’a rejoint à la retraite une année plus tard. Depuis lors, le couple utilise son temps à bon escient, au service d’un vieillissement actif. L’ancienne enseignante d’éducation physique ne boude plus son plaisir : être au lit avant 10 heures, faire la marche ou du jardinage.

 

Bouger et faire le plein d’énergie

Selon les saisons, Lucie et Bernard vont à vélo, au kayak ou à pied. Jamais de sport motorisé. Au pire, ils y ajoutent les sports de raquette ou la voile pour profiter du plein air et fusionner avec la nature. «Parfois, il faut faire des choix parce que tout se fait quand il fait beau», mentionne Lucie, presque résignée contre la météo.

Leur petite notoriété ne vient pas vraiment des 25 ans à Magog. C’est surtout le résultat de leurs coachings et parties d’entraînement en groupe, soit au moins trois séances de gym par semaine.

«Je suis moniteur de ski alpin, on connaît plein de monde, nous rencontrons souvent des touristes dans la région ou ailleurs», disent-ils en victimes du vécu dynamique de leur retraite.

Avant la pandémie, ces inséparables ont multiplié des déplacements en Europe, meublant leurs programmes de mille et un voyages de ski et de vélo en France ou en Espagne. Cette année, ils avaient prévu de conquérir le Québec à coups de campings, mais l’aventure s’est arrêtée après une trentaine de nuitées dans la roulotte.

«On est très occupé et on vit bien avec ça», se réjouissent M. Jacob et sa conjointe qui ne donnent jamais leur sommeil au change. «Le but, c’est de profiter de la journée», explique-t-il, l’air convaincu de sa démarche bien récompensée.

 

Une santé de fer

Avec ce schéma aux antipodes d’une vie sédentaire, Lucie Clément et Bernard Jacob n’ont aucun voyant rouge. Pas de cholestérol, pas de surpoids, encore moins de risque d’hypertension artérielle.

«Ce n’est pas gratuit, il faut la gagner ; il faut la travailler», lance Bernard contre toute tentative d’attribuer cette santé au bénéfice de la chance. Grâce à la confiance au système immunitaire, Lucie a dompté la peur de la pandémie, bien qu’elle ne lésine pas sur les moyens.

Le couple conscient de sa tranche d’âge vulnérable se montre à cheval des recommandations de la santé publique. Le 1er octobre, ils ont dû se contenter d’une célébration virtuelle des 9 ans de leur petite fille qui vit à Laval.

«Ça m’a fait beaucoup de peine de ne pas les voir», regrette Lucie, avec une maigre consolation de savoir qu’ils ne sont pas les seuls à essuyer la fatidique pénitence. Avec l’éventail d’activités réduit, il ne leur reste plus que la gym et le parc pour s’évader du confinement.

 

Des boomers à l’ère du temps

Pour les 10 ou 15 prochaines années, les deux sexagénaires ne sauraient lire dans une boule de cristal, mais les centres de soins de longue durée les rebutent.

«On ne sait jamais, mais ce n’est pas notre plan d’aller vivre là», indique Bernard, malgré le chapelet d’éloges qu’il égrène en faveur des politiques pour «leur travail exceptionnel» contre la pandémie. Cet aîné n’a pas l’air surpris par les horreurs révélées dans les CHSLD.

«Ce problème-là existe depuis des décennies», fait-il remarquer, soutenant que la pandémie a simplement montré la face cachée du drame.

Lucie et Bernard sont loin du type d’aînés égoïstes qu’Alain Samson décrivait dans son livre «les boomers finiront bien par crever», publié il y a 15 ans.

«On pense à nos petits-enfants, les jeunes n’ont pas à se mettre à genou devant nous», répondent-ils presque en chœur. Bernard s’amuse d’ailleurs bien sur les réseaux sociaux malgré le recul. L’aversion de sa conjointe pour la plateforme n’a pas estompé sa curiosité avertie.

«Facebook c’est trop étaler sa vie, j’aime mieux avoir mon intimité», plaide-t-elle, d’un air agacé par ce que les deux considèrent comme un dangereux chronophage.

Ils redoutent tout ce qui pourrait leur voler leur temps, comme s’ils n’en avaient pas assez pour s’occuper et donner du sourire.

 

 

(Kamwa Godlove participe à l’Initiative de journalisme local, qui est financée par le gouvernement du Canada)