La lutte contre les moules zébrées bat de l’aile, selon deux environnementalistes

ENVIRONNEMENT. L’ancien conseiller municipal de Magog, Jean-Claude Morin, croit que la prolifération de la moule zébrée au lac Memphrémagog serait plus limitée aujourd’hui si les élus des 25 dernières années avaient été davantage proactifs dans la lutte contre cette espèce nuisible et envahissante.

En poste durant huit ans dans les années 1990, M. Morin se rappelle avoir participé à l’élaboration d’un premier programme de lutte contre la moule zébrée, en 1996, alors qu’il était membre du comité de l’environnement.

Quelques municipalités riveraines québécoises et vermontoises avaient alors mis sur pied quelques stations de lavage d’embarcations afin d’empêcher cette espèce nuisible d’atteindre ce réservoir d’eau potable pour 175 000 Estriens. «On s’était inspiré de ce qui se faisait ailleurs en province pour éviter d’avoir les mêmes problèmes», se souvient M. Morin.

Son complice de l’époque, Raymond Cloutier, estime aujourd’hui que la bataille était pourtant bien lancée. «Quelques municipalités ont toutefois baissé leur garde en supprimant des stations de lavage, déplore-t-il. On observe aujourd’hui le résultat avec une prolifération hors de contrôle qui frappe à la porte des entrées d’eau municipales et des conduites de chacune des résidences riveraines au lac.»

Un laisser-aller qui coûtera des millions

Jean-Claude Morin est retourné frapper à la porte du conseil municipal de Magog, il y a quelques années. Les premières moules venaient d’apparaître. Il conseillait alors aux élus de renforcer leur programme de lutte et de lavage. «Peine perdue, car on m’a dit qu’ils n’avaient pas de budget supplémentaire pour lutter contre les moules, se désole-t-il. Aujourd’hui, on sait tout simplement que ce laisser-aller va côuter des millions pour retirer les moules et empêcher qu’elles bloquent les conduites.

«Je suis convaincu qu’on aurait une longueur d’avance sur les moules si on avait bougé plus rapidement», lance-t-il.

Raymond Cloutier se rappelle de ces premiers pas comme si c’était hier. Il venait d’obtenir son diplôme de maîtrise en gestion de l’environnement, en 1996, avec une spécialisation sur les moules zébrées. La Ville a adopté quelques éléments de son plan d’action, qui incluait notamment une lutte combinée des deux côtés de la frontière. 

«Le programme a bien commencé, mais certaines municipalités ont abandonné en cours de route, car certains disaient que le lavage d’embarcation était inutile», s’attriste-t-il.

M. Cloutier se dit incapable de confirmer que l’abandon de certaines mesures est à l’origine de la prolifération actuelle de cette espèce nuisible. «Je ne peux pas affirmer que le lac Memphrémagog serait sans moule si on avait maintenu l’intensité de notre lutte, observe-t-il. Je sais toutefois, à l’inverse, qu’on aurait une longueur d’avance contre cette espèce nuisible et que le degré de sensibilisation et d’éducation serait beaucoup plus élevé.»

MM. Morin et Cloutier sont convaincus que le plan de lutte a «déraillé» et qu’une facture de plusieurs millions guette pour bientôt les petites municipalités riveraines au lac Memphrémagog.

M. Cloutier hésite à chiffrer les coûts pour retirer et supprimer annuellement ces moules qui prolifèrent rapidement au fond du lac et dans les infrastructures municipales. Il juge néanmoins logique l’estimation de « Pêches et Océans Canada», qui évalue la facture associée à la colonisation du lac Memphrémagog par la moule zébrée entre 513 et 681 millions de dollars pour les 25 prochaines années. Ces chiffres sont tirés du numéro de mai dernier du magazine L’actualité.

Il conseille aux municipalités d’embaucher rapidement des experts pour limiter les dégâts, d’imposer des lavages partout et des amendes aux contrevenants, ainsi que de convaincre les Américains d’adopter des mesures similaires.