Il y a un an, le centre-ville de Magog brûlait

TÉMOIGNAGE. Il y a un an, pratiquement jour pour jour, Magog vivait l’une des pires sinistres de son histoire. Un incendie, d’une intensité sans égale, a donné lieu à une scène apocalyptique où le sang-froid des pompiers, l’efficacité des autorités et la solidarité de la communauté ont assurément permis d’éviter le pire.

Les souvenirs de cette nuit du 16 octobre 2018 demeurent frais dans la mémoire du directeur du Service de sécurité incendie de Magog, Sylvain Arteau. Ce dernier venait à peine d’arriver à la tête de l’organisation lorsqu’il a reçu un appel, en pleine nuit, qui ne présageait rien de rassurant.

«On m’a simplement dit: le centre-ville brûle. Il faut que vous veniez. Quand je suis arrivé par l’autoroute 10, le ciel de Magog était rouge. C’est là que j’ai compris que c’était grave», raconte-t-il.

À son arrivée, le directeur s’est retrouvé au cœur du chaos. Dans l’instant même, il établit un périmètre de sécurité, voyant l’embrasement déjà avancé de l’Édifice Deragon, où l’incendie a éclaté. Moins de cinq minutes plus tard, le bâtiment historique s’écroulait. Mais il n’y avait pas de temps pour la désolation, car le feu continuait sa progression. «Avec le vent qui soufflait tellement fort, il y a eu une propagation incroyable de la radiation, se souvient l’intervenant. On ne pouvait pas marcher devant les bâtiments sans se couvrir, tellement la chaleur était intense. Même les corniches de l’autre côté de la rue brûlaient et nos boyaux éclataient. On se battait contre l’élément qui nous rattrapait tout le temps.»

En concentrant la force de frappe au même endroit, les combattants ont réussi à contenir un incendie qui semblait incontrôlable. À un certain moment, le directeur a même craint que les flammes atteignent l’hôtel de ville ou encore la caserne incendie fraîchement rénovée. L’évacuation de l’hôpital, en raison de l’imposant panache de fumée, a aussi été envisagée.

 

Une épreuve douloureuse

Pour plusieurs pompiers, cette intervention s’est avérée la plus marquante de leur carrière. D’une part, par l’ampleur du brasier, et d’autre part, par le fait qu’ils ont cru avoir perdu un des leurs, au début de l’intervention. Le pompier en question, de Sherbrooke, venait de chuter d’un toit lorsqu’il été évacué par ses confrères, dans un état critique.

«C’est faux de dire qu’il n’y pas eu de décès, car oui, il y eu un pompier de mort. Il n’avait pas de signes vitaux quand il est parti en ambulance. Heureusement, il s’est réanimé tout seul. Je ne dis pas ça pour dramatiser, mais il y a des gens qui ont vécu des choses psychologiquement très dures lors de cette journée», confie le chef.

Dans l’adversité et la douleur, Sylvain Arteau assure que ses hommes ont fait preuve d’une force de caractère incroyable. «J’ai perdu beaucoup de confrères dans ma carrière. Quand ça arrive, habituellement, tout le monde arrête de travailler, car c’est trop dur de continuer», partage-t-il.

«Mais ici, je n’ai pas vécu ça. Au contraire, même s’ils pensaient qu’un de leurs chums était peut-être mort, ils n’ont jamais perdu le contrôle de l’intervention jusqu’à ce que je prenne les commandes, car je voyais qu’ils n’allaient pas bien, qu’ils étaient très affectés», poursuit le grand patron.

 

Comme une grande famille

Ayant fait carrière durant plusieurs années à Montréal, Sylvain Arteau a vite compris la force d’un petit milieu qui, comme une grande famille, s’est vite soudé les coudes. Dans la crise, il se souvient que tout le monde a mis l’épaule à la roue, et ce, avec une efficacité et un dévouement remarquables. «Souvent, les gens caricaturent les villages, mais il faut le vivre pour comprendre cette culture. Il y a eu une conscientisation citoyenne instantanée et que dire des équipes derrière moi, qui étaient rodées au quart de tour. À Montréal, c’est une autre réalité. Ça m’a impressionné et je suis heureux de dire, maintenant, que Magog, c’est ma ville», ajoute celui qui est nouvellement déménagé.

Évidemment, impossible de passer sous silence le geste héroïque de trois résidents du premier des quatre bâtiments incendiés, qui ont réveillé leurs voisins qui dormaient au moment du drame. D’autant plus que le système d’alarme ne s’est jamais activé dans l’Édifice Deragon. «La cause, on ne pourra jamais la savoir, ni la prouver, car le bâtiment est une perte totale. On pense, en théorie, que le système d’alarme a été mis hors service par le court-circuit provoqué par la panne de courant. Nos trois héros ont agi comme des systèmes d’alarme humains. Sans leur présence d’esprit, je suis convaincu qu’il y aurait eu des blessés et peut-être même des victimes», conclut Sylvain Arteau.