Émilien Carrière: un centenaire qui refuse de vieillir

LONGÉVITÉ. Émilien Carrière n’est pas nerveux de nature. Sauf qu’il était un brin inquiet, il y a quelques semaines, lorsqu’on lui a imposé un examen pratique pour lui permettre de conserver son permis de conduire…à l’âge de 100 ans. Mais le vénérable Magogois n’avait pas à s’inquiéter outre mesure. Après une heure à circuler dans les rues de Sherbrooke, l’instructeur de la SAAQ était prêt à renouveler le précieux papier sur-le-champ. «J’ai fait seulement trois petites erreurs, même si on circulait dans le gros traffic. Il m’a notamment fait remarquer que je roulais trop lentement dans une zone de 70. En fait, je n’avais pas vu que la limite était augmentée dans cette portion, d’autant plus qu’il m’avait demandé de rester à 50 km au début de l’examen», a expliqué en riant le sympathique centenaire. Bien qu’il ait atteint officiellement le siècle de vie le 7 juin dernier, Émilien Carrière affiche une forme et une autonomie impressionnantes. Seule son audition semble avoir subi l’usure du temps. «J’ai aussi moins de force dans les jambes, corrige-t-il. Mais pour les bras et le haut du corps, tout fonctionne encore très bien. Lorsque je sors du bain, je me lève comme un enfant», lance-t-il avec fierté.

Réjeanne Leblanc (91 ans) et Émilien Carrière (100 ans) sont complices de vie depuis 36 ans.
Sa conjointe Réjeanne Leblanc, avec qui il partage sa vie depuis 36 ans, doit même lui mettre un frein de temps à autre. «Il aime bien pelleter l’entrée (de leur condo) en hiver, mais je dois pratiquement le chicaner pour qu’il prenne des pauses. Je n’aime pas vraiment le voir faire un exercice du genre», témoigne-t-elle avec un brin d’inquiétude. Des responsabilités en bas âge Issu d’une famille de 13 enfants (10 garçons et 3 filles), Émilien Carrière a vécu une jeunesse qui ferait sans doute sourciller bien des jeunes d’aujourd’hui. Très tôt, il a été initié au travail physique par son père, tout comme ses frères. «Durant mon enfance, nous avions plusieurs animaux. Mon frère et moi, on devait notamment nettoyer l’étable et atteler les chevaux. On pouvait aussi charrier 30 cordes de bois sans problème. On avait 9 ou 10 ans, mais on travaillait pratiquement comme des hommes», se rappelle-t-il. «Par contre, on ne chialait jamais. Nous n’étions pas des braillards et nous n’avions aucune raison de l’être; nous étions bien habillés et bien nourris, même s’il y avait beaucoup de monde à table», plaide-t-il. Exil dans l’Ouest canadien Ayant fait ses débuts à la Dominion Textile à l’âge de 14 ans – son père y était contremaître – , M. Carrière décide ensuite de déménager en Saskatchewan pour y travailler, à sa majorité. Pendant près de 50 ans, il y occupera un double emploi, notamment pour une compagnie de livraison d’huile à chauffage, et ce, jusqu’à l’âge de 64 ans. «J’ai toujours travaillé avec rigueur et je n’ai jamais gaspillé une seule minute de travail», insiste-t-il.
Émilien Carrière a passé une grande partie de sa vie dans l’Ouest canadien, étant notamment à l’emploi d’une compagnie d’huile à chauffage
Son seul «accroc», il l’aura fait à son retour à Magog, nous dévoile sa conjointe. «Il était à quelques mois de recevoir son premier chèque de pension, mais comme il n’avait jamais touché à l’assurance-chômage, il a fait une demande pour en recevoir. Étant donné qu’il devait manifester son intérêt pour un retour au tavail, il a déposé des demandes d’emploi dans différentes compagnies d’huile à chauffage, tout en indiquant discrètement aux employeurs qu’il ne voulait surtout pas être embauché. Il était un peu ratoureux», reconnaît Réjeanne Leblanc en riant. De longues fréquentations Précoce dans plusieurs domaines – il conduisait régulièrement des véhicules à 15 ans et il s’est marié une première fois à 17 ans – , Émilien Carrière a toutefois été très patient avant de faire la grande demande à sa seconde conjointe. «Nous sommes en couple depuis 36 ans, mais nous sommes mariés depuis 14 ans seulement. On a préféré attendre de bien se connaître avant de s’unir officiellement», rigole Réjeanne Leblanc, sa «jeune» épouse de 91 ans. De sa première union, qui a duré une trentaine d’années, M. Carrière garde peu de souvenirs, d’autant plus que sa conjointe de l’époque et leur fille adoptive, qui sont demeurées dans l’Ouest canadien, sont aujourd’hui décédées. «Lorsque nous avons décidé de former un couple, Émilien a hérité d’une belle grande famille, puisque j’ai moi-même quatre enfants d’une précédente union (son premier mari est décédé), ainsi que plusieurs petits-enfants et arrière-petits-enfants», fait valoir Mme Leblanc. Homme minutieux, Émilien Carrière a toujours pris soin autant de sa personne que des choses qui l’entourent. «Il est toujours habillé proprement et il ne sort jamais de sa chambre sans que son lit ne soit fait», cite en exemple son épouse. Quand à sa voiture, une Honda Civic 2009, elle risque de l’épauler tant que la santé lui permettra. «Elle n’a que 64 000 km au compteur. Je la prends souvent, mais pour de très courts trajets. Je crois bien que ce sera ma dernière voiture», lance en riant ce sympathique centenaire.
Sa Honda Civic 2009 n’affiche que 64 000 km au compteur et son moteur est pratiquement comme neuf. «Je crois bien que ce sera ma dernière voiture», lance en riant le sympathique centenaire.