De footballeur à producteur de fruits et légumes sans eau

CANTON D’ORFORD. Après avoir pris sa retraite de la Ligue canadienne de football au début de la pandémie, Nicolas Boulay a transposé ses entraînements physiques à travers sa production maraîchère, lui qui a mis au monde « Les Jardins de Jacob », où il réussi à faire pousser des fruits, des légumes et des fleurs sans même devoir les arroser. 

Ce qu’il qualifie de «révolution» vient pourtant d’une technique ancestrale intitulée «Hugelkultur», qui signifie en français culture en butte. Comme l’explique Nicolas Boulay, cette méthode permet de produire beaucoup de nourriture en utilisant un minimum d’eau. «À vrai dire, on utilise seulement de l’eau pour démarrer nos semis. Mais une fois que les légumes sont plantés dans les jardins, on n’a pas besoin de les arroser, même en pleine canicule. J’ai de deux à trois fois plus de rendement sur mes légumes en butte que dans un jardin traditionnel en termes de grosseur et de quantité. C’est complètement fou!», s’exclame celui qui a porté les couleurs des Alouettes de Montréal pendant six ans. 

IL FAUT LE VOIR POUR LE CROIRE

D’une énergie contagieuse, le producteur a découvert cette culture autofertile en visionnant des vidéos sur YouTube. Intrigué par la chose, il a fait un premier essai en 2021 sur une petite parcelle de sa vaste propriété située au coin du chemin Bice et du 13e Rang, au Canton d’Orford. Le résultat l’a tellement impressionné qu’il a choisi de répéter l’expérience cette année, mais cette fois-ci sur une superficie d’environ un acre. 

Et l’abondance est tout aussi spectaculaire, voire même déconcertante. «Tous les jours, quand je viens dans le jardin, je n’en reviens pas. En plus, c’est une technique qui n’est pas compliquée et qui ne nous coûte pas cher.»

«L’idée est de creuser dans le sol pour y mettre des déchets organiques comme des bûches, des feuilles, des branches, des déchets de construction, des souches d’arbres, etc. Toute cette matière agit comme une éponge et conserve l’humidité des pluies et du sol. On enterre le tout et on plante les légumes sur la bute, sur laquelle on met de la paille ou du foin qui sert à contenir l’humidité, empêcher les mauvaises herbes de pousser et de compost lors de sa décomposition.»

Précisons qu’en parallèle à ce volet plus expérimental, Les Jardins de Jacob se spécialisent principalement dans la production de micropousses et de champignons médicinaux et gourmets. 

DES LÉGUMES MOINS CHERS QU’À L’ÉPICERIE

N’ayant pas besoin d’investir dans un système d’irrigation, Les Jardins de Jacob parviennent à maintenir un rythme de production à un coût minime. Tout est réfléchi pour minimiser les dépenses, en passant même par les clôtures qui sont, en fait, des plantes odorantes permettant de tenir les animaux sauvages à distance de ce buffet à volonté. «Notre philosophie à la base est que la bonne bouffe santé devrait être accessible à tout le monde, sans exception. C’est triste, mais la réalité actuellement est qu’une mère monoparentale avec trois enfants n’a pas les moyens de se payer des légumes biologiques. C’est ce qu’on veut changer et donner à la communauté. Nos légumes ne sont pas certifiés bio, mais c’est tout comme et au final, ils coûtent moins cher qu’à l’épicerie, sans compter qu’il n’y a pas de taxes.»

À l’entrée des jardins se trouve un kiosque libre-service, avec un concept «Donnez ce que vous pouvez». Une affiche indique une suggestion de prix pour chaque légume, mais les transactions se font sans aucune vérification. «La majorité des gens sont honnêtes et l’idée à la base, c’est de faire confiance et d’aider la communauté du mieux que l’on peut. Pour une personne qui va venir se chercher des bons légumes sans avoir les moyens financiers de le faire, d’autres vont laisser plus d’argent que nécessaire pour nous encourager et parce qu’ils «trippent» sur le concept. Au final, tout le monde sort gagnant.»

UNE NOUVELLE VIE PLUS VALORISANTE

Il est même possible de faire de l’autocueillette sur place. L’aide des cueilleurs est d’ailleurs des plus appréciés, alors que Nicolas est seul à travailler à temps plein sur ce projet en compagnie d’un ami du secondaire, Marcus Taylor, dans le temps que les deux jouaient au football en Caroline du Sud. «On a gagné ensemble le premier championnat de notre école. Par hasard, on s’est revu récemment et quand il a entendu parler du projet, il a quitté les États-Unis pour déménager ici et il est avec moi tous les jours. C’est un gars travaillant avec le coeur à bonne place. Il «fit» parfaitement avec l’ADN de la ferme!», soutient Nicolas Boulay en ajoutant pouvoir compter sur l’aide de sa conjointe Stéphanie Beauregard et de ses proches.

«Oui, le football a fait partie de ma vie, mais je préfère être reconnu pour ce que je fais maintenant. On a vu avec la pandémie l’importance de l’autosuffisance et on s’approche de plus de plus de la fin de la révolution industrielle et de la surconsommation. Il faut arrêter de penser à notre nombril et au profit d’aujourd’hui, et planifier un futur pour nos enfants. C’est beau le dire, mais si on veut créer un changement, il faut proposer des solutions et montrer l’exemple. Et c’est ce que nous faisons, avec notre concept qui est une réponse directe au gaspillage et à la pénurie d’eau, qui sévit dans bien des pays du monde», conclut le père de famille.