Dans l’intimité de deux agriculteurs aveugles

TÉLÉVISION. Le réalisateur Robert Cornellier a probablement vécu l’un des projets les plus inspirants de sa longue carrière lorsqu’il a été invité à mettre sur pellicule le cheminement de Daniel Bonin et Maryse Sauvé, deux agriculteurs aveugles qui sont devenus, contre toute attente, les plus importants producteurs d’œufs de canes au Québec.

Intitulé «À la canne blanche» (nom de l’entreprise du couple), le documentaire d’une cinquantaine de minutes sera présenté une première fois à l’antenne d’AMI-Télé, ce samedi 19 octobre à 18 h, et en reprise les jours suivants.

Il sera par la suite possible de le visionner sur le site web (amitele.ca) de cette station qui mise sur les émissions en vidéodescription.

Spécialisé dans le documentaire depuis une quarantaine d’années, Robert Cornellier soutient qu’il aurait eu suffisamment de matériel pour produire un long métrage. «J’ai eu accès à leur intimité pendant 11 mois et j’ai pu poser des questions sur tous les sujets. Avec eux, il n’y avait aucun tabou. Et puisqu’ils ne voient pas, je pouvais filmer en grand angle (plan rapproché) presque tout le temps, car ils n’étaient pas intimidés par la caméra», explique le vétéran réalisateur.

La main à la pâte

Le couple de Stukely-Sud, qui suscite l’admiration partout où il passe, a terminé il y a quelques mois la construction d’une canardière pouvant accueillir quelques centaines d’oiseaux pondeurs.

Daniel Bonin a participé à la plupart des travaux manuels, malgré sa cécité. (Photo gracieuseté – AMI-télé)

Les deux entrepreneurs, faut-il le préciser, ont participé activement à toutes les étapes du projet, manipulant notamment les fils électriques et la scie à onglets comme si de rien n’était.

«C’était vraiment impressionnant de les voir travailler. Oui, certaines tâches pouvaient prendre plus de temps parce qu’ils ne voient pas. Mais j’ai compris dès le départ que c’était une question de fierté et de dignité de pouvoir en faire le plus possible par eux-mêmes», laisse entendre Robert Cornellier

Ce dernier a suivi leur parcours, dès le début des travaux – en pleine tempête de neige – jusqu’à leur première vente d’œufs au Marché public de Bolton-Est en juin dernier. «Après 16 mois (de dépenses), on va faire aujourd’hui notre première piastre», lance Daniel Bonin avec une joie non dissimulée.

Comme si le scénario était écrit à l’avance, le réalisateur se trouvait aux premières loges lorsque les copropriétaires d’À la canne blanche ont remporté le Prix Coup du cœur du public, à l’étape nationale du Défi OseEntreprendre. «Je ne savais pas qu’ils allaient gagner, mais en connaissant leur parcours, je me demandais comment ils auraient pu passer à côté de ce prix», soutient M. Cornellier.

Des moments difficiles

Bien que le documentaire soit un hymne au courage et un véritable bouillon de poulet pour l’âme (pour paraphraser un best-seller), il fait également place à des moments plus sombres.

Le couple apprend entre autres que son budget a été «défoncé» de 40 000 $, alors que la production et la vente d’œufs ne sont même pas encore amorcées.  «Ce n’est pas catastrophique, mais il faut s’attendre à ce que les trois premières années soient plus difficiles à passer», les prévient leur conseillère en finances.

Mais lorsque les deux agriculteurs non voyants vont chercher leurs 100 premières petites canes, âgées d’une journée seulement, ou encore lorsque leurs protégées prennent leur premier bain à l’extérieur, les difficultés financières semblent bien loin dans leurs pensées. «J’adore ma job avec les oiseaux, comme au premier jour», dit Maryse Sauvé, en caressant tendrement l’une de ses canes.

«J’espère que notre histoire va ouvrir les yeux à d’autres gens.»

Maryse Sauvé est tombée en amour avec ses petites canes de race «Coureur des bois». (Photo gracieuseté – AMI-télé)