Roger Nicolet: toujours au boulot malgré ses 86 ans

PORTRAIT. Roger Nicolet est trop humble pour se considérer comme une force de la nature, mais cet ingénieur travaille toujours à son bureau montréalais malgré ses 86 ans. Cette longévité lui permet même de cumuler pas moins de 60 ans de métier. Ce résidant d’Austin est un bourreau de travail. Il adore ce qu’il fait à titre d’associé à la firme de génie-conseil NCK, pour Nicolet, Chartrand, Knoll, qui possède aussi des bureaux à Toronto et Zurich, en Suisse. «Je ne me vois pas comme un homme ayant réalisé un exploit. Je ne pense pas à ça. Je souhaite tout simplement être utile, m’occuper et voir des gens, tant et aussi longtemps que la vie me le permettra», résume l’homme originaire de la Belgique. Il parle peu de ses réalisations professionnelles au Québec et à l’étranger, ses distinctions au Canada et aux États-Unis ainsi que sa longue implication en politique municipale et provinciale. Il devient cependant plus loquace en parlant d’actualité politique et internationale ou de développement régional. «Nous assistons à un tournant de la politique québécoise avec l’arrivée de la CAQ, lance cet ancien maire d’Austin et ex-préfet de la MRC de Memphrémagog. Il s’agit d’une nouvelle ère qui devra provoquer la reconfiguration de la gauche. Magog aussi est à une étape importante de son développement. Il faut surveiller ce qui adviendra avec Le Moulinier et l’Auberge L’Étoile-sur-le-Lac afin de protéger ce secteur névralgique. Encadrons aussi le développement à Owl’s Head.» Il débarque à Montréal en 1956 Une enfance compliquée, les tourments de la guerre et une soif d’aventure ont convaincu le jeune Nicolet de quitter l’Europe à destination du Québec. Il était déjà diplômé de l’École polytechnique fédérale de Zurich avant de faire sa maîtrise à l’école du même nom à Montréal en 1956. Il n’a jamais regretté cette décision. Il amorce alors une longue carrière en génie civil. Parmi ses premiers boulots d’envergure, notons sa responsabilité de l’étude et de la vérification de problèmes de structure sur les ponts levants de la voie maritime du Saint-Laurent. Suivront à l’aube des années 1960 la gérance du complexe de la place Ville-Marie à Montréal, la réalisation d’une étude pour la traversée du fleuve Saint-Laurent par la route Transcanadienne ainsi que la coordination de l’étude et la construction du tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine. À quelques mois de travaux majeurs à ce tunnel sous le Saint-Laurent, il avoue que cette infrastructure était «audacieuse» pour l’époque. Tout au long de sa carrière, il assume la responsabilité de projets d’envergure comme la place Bonaventure et le village olympique à Montréal, la Tour du CN à Toronto, la Pyramide du Louvre à Paris et la Tour internationale de Téhéran en Iran. Aujourd’hui, son bureau travaille toujours à la conception d’immeubles à vocation multiple, comme des hôpitaux, écoles et hôtels en Amérique du Nord et en Europe. Fiertés professionnelles Même s’il a travaillé sur des chantiers aux quatre coins du globe, une des plus grandes fiertés de cet homme aura 87 ans en décembre prochain est son engagement municipal à titre de maire d’Austin de 1976 à 2009. Il a également occupé le siège de préfet de la MRC de Memphrémagog pendant aussi longtemps. «Je crois avoir fait œuvre utile à Austin pour réconcilier les communautés anglophone et francophone. Je crois avoir contribué à une vie harmonieuse entre les deux groupes», confie-t-il. Ce dernier exemple peut sembler farfelu pour plusieurs, mais M. Nicolet rappelle que les échanges se faisaient en anglais au début de son mandat de 15 ans, autant aux séances du conseil que sur les procès-verbaux. Il avoue aussi un sentiment de satisfaction pour ses réalisations en génie civil, comme l’une de ses premières responsabilités, en l’occurrence la place Ville-Marie à Montréal. Cet immeuble se démarque toujours aujourd’hui par sa célèbre tour cruciforme, la plus haute du genre au Canada. Il constitue un symbole incontesté de la ville de Montréal, selon plusieurs observateurs. Son travail rayonne jusqu’au parlement de Québec, car les gouvernements ont fait appel à ses services et connaissances pour présider d’importantes commissions parlementaires. Il dirigeait notamment les travaux portant sur l’avenir constitutionnel du Québec (Bélanger-Campeau), sur les inondations de 1996 au Saguenay, sur la tempête du verglas de 1998 et sur le viaduc de la Concorde en 2006 et 2007 (le pont effondré à Laval). Roger Nicolet a peut-être le dos un peu plus courbé qu’avant, mais il n’en demeure pas moins un homme ayant façonné la société à sa façon, autant sur le plan municipal que provincial.