Hommage à Michel Garneau

Michel Garneau, un immense poète, vivait très discrètement à Magog depuis plus de deux décennies. Il nous a quittés le 13 septembre, à l’âge de 82 ans, après de longues années de souffrances, aux prises avec de «trop gros bobos incurables» qui ont fini par l’emporter.

À 14 ans, sous le choc du suicide de son grand frère, le poète Sylvain Garneau, il quitte l’école pour écrire, surtout de la poésie, mais aussi du théâtre. Il a même joué dans des pièces de Michel Tremblay et de Jovette Marchessault. Ses œuvres, plus d’une cinquantaine en tout, ont été traduites en anglais, en portugais, en allemand et en espagnol. Ses pièces de théâtre ont été produites un peu partout à travers le monde.

Michel Garneau a écrit des choses merveilleuses dans des recueils magiques comme «Les petits chevals amoureux», «La plus belle île»,  «Le phénix des neiges», «Une pelletée de nuages» ou encore «Une corde de bran de scie» ou «Le museau de la lune». De quoi faire rêver les lecteurs.

Michel Garneau était un homme doux et sans agressivité, mais capable de colère, comme quand il a perdu son émission comme animateur de poésie à la radio de Radio-Canada au début des années 2000, capable de colère encore et de refuser le Prix du Gouverneur général parce qu’il avait été emprisonné pendant la Crise d’octobre en 1970, mais capable aussi de retrouver la joie en lui, comme le disent si magistralement sa poésie et son théâtre.

Il avait un ami très célèbre, Leonard Cohen, dont il a traduit deux œuvres.  En 1971, il avait acheté une maison avec Leonard Cohen, son ami de toujours, il occupait le rez-de-chaussée et Cohen l’étage. Ils ont bien ri ensemble, ils s’entendaient comme deux larrons en foire, étaient tous les deux sur la même longueur d’ondes, sur «la même corde à linge» pour paraphraser un de ses titres.

À l’occasion du Mois de la poésie en mars, Michel Garneau avait lu dans une performance en ligne, à partir de sa maison à Magog, une série de poèmes inédits. Michel Garneau ne cachait pas sa douleur ni les souffrances dont il était affligé tous les jours : «Oui, je veux dire que c’est très dur ce que je vis, que je me réveille des fois en pleurant parce que j’en reviens pas que je vais passer une autre journée sur mon divan et que je ne pourrai pas sortir, parce que je ne suis pas capable de marcher.»

Et pourtant il pouvait écrire ces mots de lumière et d’enchantement : « …car je veux la lumière des mots sur le plaisir des choses, lumière rousse dans la rencontre, du pire et du soyeux, qu’il faut assumer en un bon usage, du monde, car malgré que la terre, soit toute noire de misère, ce jour je le dis, me sera un enchantement. » (Le dessin des mots, Éditions Trois-Pistoles)

Sa belle voix radiophonique était restée élégante et grandiose. Michel Garneau ne tarissait pas de «jarnigoine». Sa poésie avait un brio et un panache irrésistibles. Il aimait bien se moquer de lui aussi, mais avec une grande virtuosité : «Garna descent cahin-caha, Garne faisant le crabe, Garni dans l’escalier, Garneau bobo dans le dos, Garnu en plein le cul, Machel Garna faisait le tata, Mechel Garne feignait le têteux, Michel Girni imitait l’ahuri, Mochol Gorno jouai le nono» (Les chevaux approximatifs, L’Hexagone, 2010).

Michel Garneau est parti, il avait mal, il s’en plaignait doucement, mais le rire prenait le dessus, il écrivait encore des poèmes dans les derniers jours, comme pour s’amuser. Il est parti dans «une pelletée de nuages» sur un de ses «petits chevals amoureux», vers une «plus belle île». Comme «un phénix de neiges» il renaîtra.

Salut à toi, Michel Garneau, grand Magogois si discret et si honorable, si beau et si inspirant dans ta joie de vivre!

Daniel Gagnon

Écrivain

Magog