Des enfants autochtones ont aussi séjourné à Austin

SOCIÉTÉ. Les nombreuses sépultures anonymes découvertes récemment dans les pensionnats autochtones ébranlent toujours le pays. Ces tristes découvertes font rappeler que des enfants autochtones ont également transité dans la région dans les années 1950 et 1960, mais auraient été traités beaucoup plus humainement par Lily Esther Butters.

L’ancien directeur général du Centre Butters d’Austin (Cecil Butters Memorial Hospital), Ron Creary, assure que «cette grande dame» avait le cœur à la bonne place. Il est convaincu que les atrocités relevées dans les médias n’ont pas été commises dans l’ancien hôpital et centre d’accueil situé sur le chemin des Pères (aujourd’hui chemin Nicholas-Austin). «Ils ont été soignés selon les traitements disponibles à l’époque», explique-t-il.

Creary, qui y a travaillé 25 ans, joint sa voix à de nombreuses autres qui voient Mme Butters comme une femme qui a dédié sa vie à aider et à aimer des enfants handicapés intellectuellement et abandonnés. «Elle a donné sa vie pour eux et les a tous traités sur le même pied d’égalité, peu importe la couleur de leur peau», insiste-t-il.

Creary a peu connu Mme Butters. Il n’a jamais personnellement accueilli d’Autochtones, mais une cinquantaine y vivait à son arrivée au milieu des années 1970. À cette époque, le Centre Butters hébergeait jusqu’à 400 patients. «Elle acceptait tous les enfants dans le besoin, même si l’espace était parfois restreint, surtout que les options étaient peu nombreuses pour les enfants handicapés ou malades à cette époque», ajoute-t-il.

En ce qui concerne les Autochtones, M. Creary se rappelle que Mme Butters accueillait des dizaines d’enfants en provenance du Manibota dès les années 1950 et 1960. Selon lui, le gouvernement fédéral avait alors la responsabilité de ces enfants et la majorité des familles savaient où était hébergée leur progéniture. Plusieurs y sont demeurés pendant de nombreuses années.

Dans un livre publié en 2002 portant sur l’œuvre de Lily Butters, l’autrice François Hamel Beaudoin explique que ces «Esquimaux» et «Indiens» sont pris en charge par le «Cecil Butters Memorial Hospital» car aucune institution du Nord ne peut s’occuper d’eux. En 1956, un Inuit sur sept est soigné contre la tuberculose dans un hôpital du Québec. Des villages entiers sont atteints de cette maladie, lit-on dans le livre de 260 pages.

 

POUR UNE RECONNAISSANCE CONVENABLE

Le professeur à la retraite, Serge Wagner, également un passionné d’histoire régionale, rappelle plutôt que ces jeunes Inuit et des Premières Nations ont été transportés sur près de 5000 km avant de perdre contact avec leur famille et leur milieu.

Dans un long texte publié à la page…. de la présente édition (ou internet), il constate que peu de données publiques informent sur le sort des Autochtones hébergés et décédés au Centre Butters, tout comme pour les non-Autochtones inhumés.

Il souhaite la réalisation d’une étude plus de 60 ans après les derniers décès. Il demande aussi que les documents gouvernementaux ayant conduit au placement d’Autochtones à Austin soient rendus publics et accessibles.

«N’y a-t-il pas un devoir de mémoire, tant pour les Autochtones que pour les non-Autochtones, de connaître leurs noms complets et leurs informations vitales? Les morts du Centre Butters ne méritent-ils pas enfin des inscriptions funéraires convenables?», plaide-t-il.

 

UNE AUTOCHTONE DE HUIT ANS ENTERRÉE À AUSTIN

Un d’entre eux serait enterré au cimetière East Bolton, sur le chemin Millington à Austin. Quelques enfants non-Autochtones y ont également leur sépulture, ayant été inhumés entre les années 1950 et 1970. Il s’agit de Marieyvonne Alaka, une jeune fille native du Nunavut, mais déplacée d’une institution à une autre jusqu’à sa mort en 1967, à l’âge de 8 ans.

Selon un article publié en 2016 à CBC News, sa mère Therese Ukaliannuk l’avait retracée avant de venir se recueillir dans le cimetière d’Austin au milieu des années 2010. La famille de la petite Marieyvonne ne connaissait pas son lieu de décès ni d’inhumation pendant près de cinq décennies. On lit dans cet article que cet enfant est devenu «une victime de la bureaucratie du gouvernement» et serait probablement décédé de la tuberculose.

M. Creary tient à préciser que ces jeunes n’ont pas été enterrés anonymement, car leurs noms figurent dans les registres, sur des plaques ou des monuments.

Une visite au cimetière confirme ces dires, comme on l’aperçoit sur ces photos. On n’a toutefois pas aperçu le nom de Marieyvonne. Lily Esther Butters repose en paix dans le même cimetière.

 

Une Autochtone de huit ans fait partie des enfants de Butters inhumés dans ce cimetière d’Austin.