Le député Gilles Bélanger commente les travaux à Owl’s Head

ENTREVUE. Discret depuis quelques semaines concernant les controversés travaux sur le flanc est du mont Owl’s Head, le député d’Orford, Gilles Bélanger, dévoile sa position sur un développement qu’il avait lui-même amorcé avant d’être élu.

Il clame haut et fort que sa vision de l’époque misait plutôt sur un développement durable et plus discret. Il signale qu’il n’y peut rien, surtout que les travaux sont légaux et ont été autorisés par le ministère de l’Environnement et la Municipalité du Canton de Potton.

 

1-Comment jugez-vous les travaux légaux effectués par Destination Owl’s Head?

«Cette entreprise suit les règles et elle a eu l’autorisation de l’Environnement. DOH a également soumis et présenter un plan d’ensemble à la Municipalité du Canton de Potton. Je ne souhaite pas m’ingérer dans les dossiers de juridiction municipale, surtout que celui-ci a été autorisé par le conseil.»

«Mais à l’avenir, on pourrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, comme en Suisse, ou ailleurs en Europe, pour protéger davantage les paysages avec des chemins de montagne plus étroit. Tous les élus devraient réfléchir sur comment protéger nos paysages.»

«Actuellement, c’est dommage d’abîmer une image qui voyage aux quatre coins de la planète, surtout quand on sait qu’une photo de l’abbaye et d’Owls Head a déjà fait la Une du National Geographic.»

«Pour l’instant, tout semble respecter les règles et le ministre de l’Environnement va s’en assurer.»

 

2-Pourquoi autoriser ce type de travaux quand la Municipalité voisine de Bolton-Est durcit sa réglementation pour protéger ses zones fragiles et le paysage, interdisant notamment la construction de maison à plus de 350 mètres d’altitude?

«Je salue Bolton-Est pour ce geste, car ces décisions équivalent à moins de revenus pour cette Municipalité. On devrait trouver un système pour compenser financièrement, car le développement représente un revenu important pour les Municipalités. Mais chaque conseil peut prendre ses propres décisions.»

«C’est un bel enjeu à Mansonville, où il y a déjà beaucoup de protection de territoire jumelé à beaucoup de pauvreté. Les élus tentent donc de dénicher des revenus avec du développement.»

 

3-À titre de député, avez-vous des recours pour intervenir politiquement dans ce dossier et faire en sorte que ces travaux cessent?

«Absolument pas. J’ai été impliqué dans Owl’s Head par le passé, mais je n’ai plus de parts depuis juin 2018. Avant d’être élu, je n’ai que suggéré à la ministre libérale Julie Boulet de créer un comité de gouvernance pour surveiller ce développement, mais ç’a été refusé. Ça m’a déçu, car avec des élus et des organismes de protection, on analysait déjà la façon de conserver ou de créer des servitudes à cet endroit pour laisser le passage à des randonneurs et développer un «éco-resort» intégré à la nature, qu’on ne voit pas de l’extérieur. La population aurait eu accès au rivage, ainsi que le promoteur pour qu’il obtienne une certaine rentabilité. Une belle montagne, c’est quand tu ne vois pas le développement.»

 

4-Avez-vous encore quelconque intérêt personnel ou financier au sein de Destination Owl’s Head? Si non, depuis quand et quel était votre rôle quand vous étiez dans l’organisation?

«J’étais l’unique actionnaire de Sommets Memphrémagog en 2016. J’étais seul pour négocier avec Fred Korman pour acquérir Owl’s Head. J’ai transigé et j’ai cédé des droits par la suite à Destination Owl’s Head qui avait quelques actionnaires locaux ayant à cœur le développement et la pérennité d’Owls Head.»

«Je me suis retiré plus tard. J’ai plutôt été forcé de me retirer en juin 2018, date depuis laquelle je n’ai plus de part. On avait une entente de partenariat, mais je me suis retiré, je n’irai pas plus dans le détail.»

 

5-Pourquoi ne pas avoir commenté publiquement le dossier au cours des dernières semaines?

«Je ne pouvais parler avant le ministre Charrette qui devait s’assurer que les règles étaient suivies. Je commente maintenant, car je veux réagir aux propos de Gaétan Barrette, un député que j’aurais poursuivi en justice si l’Assemblée nationale ne lui offrait pas l’immunité parlementaire. Je juge ces propos diffamatoires, car il m’accuse presque d’en tirer profit. Il a manqué d’analyse, car il croit à tort, que je suis responsable de cette route qui se trouve face à sa résidence située de l’autre côté du lac.»

Ensuite, il y a eu un titre un peu fort dans La Presse (Saccage sous influence d’un élu caquiste au lac Memphrémagog?). Les riverains face à Owls Head, si les travaux les offusquent, devraient faire leur devoir pour connaître qui sont les actionnaires d’Owl’s Head, plutôt que de me cibler.»

 

6-Comme politicien, avez-vous usé d’influence dans ce dossier?

«Pas du tout. Je ne suis aucunement impliqué depuis 2018, sauf pour la demande pour une surveillance avec Julie Boulet. Je ne commenterai pas plus.»

 

7-Le ministère de l’Environnement est-il absent dans ce dossier? Quel est son rôle et ses interventions dans ce dossier?

«Il est très impliqué dans nos dossiers de comté. Ces travaux suivent les règles. Le gouvernement ne s’ingère pas dans les dossiers municipaux ou de la MRC, comme pour des changements de zonage. Et ces règles ont été suivies, je l’espère.»

 

8-Quelle était votre vision de développement d’Owl’s Head lorsque vous avez acquis la montagne?

«Quand j’étais là, je voyais le lac comme un joyau. Je compare souvent au lac Léman, à Genève, en Suisse et à leur organisation du territoire. Ça me faisait penser à notre problématique du faible d’accès au littoral du lac Memphrémagog. »

«Je me demandais comment rendre accessible la longue rive d’Owls Head? Des spécialistes me disaient que le développement doit passer par une grande acceptabilité sociale, plus particulièrement sur l’autre rive où les riverains ont la montagne en pleine face. Une des solutions était de protéger une partie de ce vaste terrain et en développer une autre, incluant un passage régulier du Grand Cru avec hôtel et spa.»

«Mais je ne suis plus là et je ne peux remettre en question les décisions des actionnaires actuels, surtout si les règles sont suivies, et même si j’avais une vision différente avec un éco-recort intégré. Ils ont leur défi de rentabilité avec des visions et des stratégies différentes.»

«J’ai une autre vision de développement, plus soucieuse du développement durable pour léguer aux autres générations. Il existe même des projets sur pieux, par exemple, que l’on pourrait tout enlever dans 50 ans sans rien abîmer et retrouver le naturel.»

 

9-Est-ce vrai que vous êtes en litige juridique avec Destination Owl’s Head? Vous doivent-ils de l’argent? Quelle est la nature de ce litige?

«Ce litige n’a aucun lien avec le chantier. Je ne suis pas en mesure de commenter ce dossier judiciarisé.»

 

10-Craignez-vous que ce dossier entache votre premier mandat comme député du comté  d’Orford et vous coûte une victoire aux prochaines élections provinciales?

«Je ne pense pas. Mais je n’apprécie guère que quelqu’un sorte une connerie (réaction du député Barrette), qui laissera toujours des traces. C’est pour ça qu’on se parle aujourd’hui sur ce sujet.»

«En l’écoutant, ça m’a donné comme signe que Gaétan Barrette, qui habite dans le comté, est peut-être tenté de présenter dans Orford. Ça me fera plaisir d’aller contre lui et de débattre, si c’est le cas.»

«Plutôt que de parler de saccage à Owl’s Head, il devrait plutôt parler de son saccage à la santé.»

 

11-Votre sortie publique soudaine est-elle soif de vengeance envers Destination Owl’s Head?

«Non. Les actionnaires ont droit à leur stratégie. Par contre, des citoyens associaient mon silence à une forme de responsabilité des travaux. Je voulais aussi laisser la place à une plus grande nouvelle qu’est le déconfinement, plutôt que de faire de la petite politique comme l’a fait le député de La Pinière.»

«Les riverains face à Owls Head, si ça les offusque, devraient faire leur devoir pour connaître qui sont les actionnaires d’Owl’s Head, plutôt que de me cibler. On ne partage pas la même vision, mais OH respectent les règles. Ils sont capables de moderniser et relancer la station de ski, qui reste une superbe destination.»