France Demers: une agricultrice plus grande que nature

PERSONNALITÉ 2020. Parce qu’elle est l’exemple parfait de la femme qui a réussi à concilier travail et famille, France Demers mérite d’emblée son titre de personnalité féminine de l’année du Reflet du Lac. Mais quand, en plus, on pratique un métier aussi exigeant que celui d’agricultrice, l’exploit est doublement méritoire.

Copropriétaire de la Ferme Magolait depuis plus de 30 ans, France Demers est parallèlement épouse, mère de quatre enfants et grand-mère à trois reprises.

Son implication dans le milieu agricole régional et dans la gestion de la ferme familiale lui a d’ailleurs valu le titre d’agricultrice de l’année au Québec, en 2013.

En janvier 2020, elle a également fait partie d’une mission de coopération au Sénégal, en compagnie d’une quinzaine d’agricultrices québécoise. «Cette mission servait à partager notre expertise en matière d’agriculture. Là-bas, les femmes font tout le boulot sur la ferme, mais elles ne prennent pas de décisions. C’est un peu différent d’ici. Ce fut une expérience très enrichissante sur le plan humain, et j’ai eu le bonheur de la vivre en compagnie de ma fille Marie-Josée», se réjouit-elle.

«Et nous avons été très chanceuses puisque ça s’est déroulé tout juste avant la pandémie.»

De typographe à fermière

Bien qu’elle ait été élevée sur une ferme laitière à Stanstead-Est, rien ne laissait présager qu’elle serait un jour une agricultrice reconnue à travers le Québec. «Après mon secondaire aux Ursulines, j’avais fait un cours de secrétariat à Coaticook et j’avais été rapidement embauchée comme typographe au Progrès de Coaticook. J’aimais beaucoup ce travail, même si mes journées étaient plutôt chargées. Je devais faire la traite des vaches le matin, aller travailler au journal de 9 h à 17 h et revenir faire la traite le soir chez mes parents», se rappelle celle qui vient de franchir la cinquantaine.

Pendant qu’elle œuvre au Progrès de Coaticook, elle fait la rencontre de Serge Beauvais, celui qui allait devenir son mari et grand complice de vie.

Avant même d’avoir 20 ans, et en l’espace de quelques jours seulement, la jeune femme convole en justes noces (6 mai 1989) et achète la ferme Magolait (18 mai 1989) en compagnie de son conjoint. «La ferme appartenait au père de Serge et M. Beauvais a longtemps travaillé avec nous par la suite, même s’il n’était plus propriétaire. Lorsqu’on est agriculteur, on y met beaucoup d’heures et c’est difficile, pour ne pas dire impossible, d’arrêter complètement du jour au lendemain», a-t-elle constaté.

Vite en affaires et sachant très bien où il s’en va, le couple Demers-Beauvais fait progresser aussi bien son entreprise que sa cellule familiale. En l’espace de six ans, quatre enfants – aujourd’hui âgés entre 24 et 30 ans – viennent occuper les pièces de la maison. «Ce sont tous des bébés d’hiver ou de printemps. En été sur une ferme, on n’a pas le temps d’avoir des enfants», lance France Demers en riant.

«À chacune de mes grossesses, j’ai travaillé jusqu’à la fin, ajoute-t-elle. Notre aînée, Émilie, est née un 31 décembre, et la veille, j’avais fait la traite toute seule parce que Serge était malade. L’accouchement a cependant été un peu rocambolesque. On a dû se rendre à Montréal en pleine tempête de neige, puisqu’on craignait des complications.»

Un «Bed & Breakfast» pas ordinaire

Comptant quelque 140 têtes, dont 70 vaches laitières en production, la ferme Magolait s’étend aujourd’hui sur près de 800 acres à Magog. Une partie de cette superficie est occupée par une érablière de 6500 entailles et une magnifique cabane à sucre, qui peut accueillir des groupes au printemps, mais aussi des réceptions à longueur d’année.

«Lorsqu’on a construit cette cabane, c’est un rêve qui se réalisait pour moi, car j’ai toujours aimé rencontrer les gens et partager mes passions. C’est d’ailleurs moi qui prépare les repas et qui concocte tous nos produits dérivés de l’érable», précise-t-elle avec un brin de fierté.

France Demers concocte elle-même tous les produits dérivés de l’érable qui sont vendus à leur cabane à sucre. (Photo Le Reflet du Lac – Patrick Trudeau)

«On ne sort pas beaucoup, alors on aime accueillir les gens chez nous. On a même déjà opéré un «Bed & Breakfast» dans notre maison pendant un an. Ça s’appelait «Le gîte du fermier». On avait installé les enfants au sous-sol et on louait leurs chambres à des visiteurs. Avec des jeunes en bas âge et du travail qui débutait très tôt à la ferme, il fallait faire de gros efforts pour que nos clients puissent dormir un peu le matin», se rappelle-t-elle.

La vraie richesse

Même si la Ferme Magolait jouit d’une réputation enviable –  elle a notamment remporté un premier prix lors du Gala de la Chambre de commerce Memphrémagog en 2019 -, France Demers admet que son entreprise a aussi connu des creux de vague au fil des ans.

Le début de la pandémie, en mars dernier, a notamment causé une importante perte de revenus durant la populaire saison des sucres.

Et il y a quelques années, le tiers du troupeau de vaches laitières a péri à la suite d’une maladie pulmonaire. «On ne pouvait plus vendre notre lait et les factures des vétérinaires s’accumulaient. On se demandait même si on allait passer au travers et s’il ne valait pas mieux changer notre vocation agricole. Cette année-là, il n’y a pas eu beaucoup de cadeaux sous le sapin.»

«Heureusement, on a une famille tricotée serrée et nos enfants comprenaient très bien la situation . Notre vraie richesse, c’est le lien qu’on entretient entre nous», fait-elle valoir.

«Et à ceux qui s’inquiètent du fait que les agriculteurs prennent très peu de congés, Mme Demers estime qu’il faut parfois regarder une situation avec des lunettes différentes. «On essaie toujours de mettre une dose de plaisir dans le travail. L’une des choses que je préfère à la ferme, c’est le temps des foins. Me mettre de la crème solaire, passer toute la journée sur le tracteur et profiter du soleil, c’est comme si j’étais en vacances», conclut cette amoureuse de la vie.

Un cousin devenu son frère

Plusieurs seront sans doute surpris d’apprendre que France Demers a d’abord été la cousine de Jacques Demers, avant devenir officiellement sa sœur.

La petite France a en effet été adoptée par François et Éva Demers, alors qu’elle était âgée de quelques mois à peine.

«Mes parents biologiques s’étaient séparés et mon père (qui était le frère de François Demers) trouvait très difficile de se retrouver avec un si jeune enfant, en plus de s’occuper de mon frère et ma sœur qui étaient plus âgés», dévoile-t-elle.

«Mais pour moi, je n’ai jamais senti de différence. J’étais encore aux couches, alors la transition s’est faite tout naturellement. J’ai d’ailleurs toujours eu une certaine ressemblance physique avec mes cousins. J’ai même développé des similitudes avec Éva, bien que nous n’ayons aucun lien de sang», fait-elle remarquer.

Ce qu’elle pense de son frère Jacques (choisi personnalité masculine de 2020)

«Je trouve Jacques très bon dans tout ce qu’il fait; c’est mon idole. Il possède toute une mémoire et il comprend vite les problèmes. Même s’il est très occupé, il est attentif aux besoins des gens autour de lui.»

«Il a bien réussi et je ne suis vraiment pas gênée de dire qu’il est mon frère.»