Tribune libre: le deuil de notre mémoire

La mémoire est aussi notre avenir. Ce qui arrive dans les CHSLD reflète le peu de cas que nous avons fait de notre passé et de la place de notre mémoire collective. Je pense à la mémoire qui s’en va avec le départ des dizaines de milliers de nos personnes âgées pour l’autre monde, la mémoire qui s’était déposée en elles avec le temps, notre mémoire. Après elles, il me semble que notre mémoire sera plus illusoire ou trompeuse, car les témoins de notre identité seront partis.

Pour nous, au Québec, qui voulons assurer une certaine permanence de notre existence nationale, il s’agit d’une perte importante. Est-ce que nous existerons encore sans continuité, car ce qui est oublié ne nous définira plus. Cette mémoire infiniment riche de nos personnes âgées était susceptible de nous donner des repères parce qu’elle contenait notre passé, alors que son absence nous prive d’une part de notre identité.

Sur une note plus personnelle, je peux dire que j’ai souffert de la mort de mon grand-père emporté par la grippe espagnole : je ne l’ai pas connu et j’ai perdu tout un pan de ma vie. Je peux dire ainsi que mon histoire a des trous de mémoire. J’aurais aimé inclure dans mon histoire et celle de mes fils celle de cet aïeul. Ce qui arrive en ce moment chez les plus vieux d’entre nous est tragique parce que nous nous sommes rendus encore plus obscurs à nous-mêmes.

Daniel Gagnon

Magog