Tribune libre: la Ville de Magog ne craint pas l’absurdité

Le 14 janvier dernier, j’ai pris part à la séance de consultation publique organisée par la Ville de Magog sur plusieurs projets de modification réglementaire en urbanisme. J’y allais principalement, à titre de personne préoccupée par la conservation patrimoniale, pour apprendre comment les choses évoluaient en ce qui a trait à l’église St Luke.

La première chose qui m’a frappé dans le cas de cette église maintenant désaffectée, c’est l’absence de toute intervention provenant de la communauté anglophone prioritairement touchée par la fermeture de cette église. Les anciens paroissiens avaient-ils déjà conclu que les dés étaient jetés et que c’était peine perdue de continuer à vouloir orienter l’utilisation qui pourrait désormais être faite de leur ancien lieu de culte et de leur ancienne salle communautaire? Je l’ignore, mais ça ressemblait à ça…

Pour ma part, je me suis présenté à cette séance de consultation parce qu’aucune restriction à la participation n’avait été communiquée à la population. Cela n’avait hélas pas été le cas lors de la consultation précédente sur ce sujet, au mois de novembre 2019. Lorsque j’ai voulu m’inscrire en ligne, comme demandé, une belle phrase écrite en rouge est apparue dans le formulaire d’inscription : « Cette consultation est réservée aux seuls citoyens de Magog ».

Bien que j’aie grandi dans ce secteur de Magog et que je le connaisse comme le fond de ma poche, bien que j’aie sorti des photos de conversion d’une église semblable en résidence privée à l’Île-du-Prince-Édouard, bien que comme citoyen de la MRC je fréquente Magog presque quotidiennement, les étudiants de l’École de politique appliquée de l’université de Sherbrooke qui encadraient cette consultation ont jugé bon que la consultation ne soit réservée qu’aux seuls habitants de la bourgade. Eh bien! S’il faut fréquenter l’université pour penser aussi petitement en 2020, aussi bien rester un peu moins instruit…

Pour revenir à la séance de consultation du 14 janvier, j’ai appris que la zone où se trouve l’église St Luke pourrait, entre autres, accueillir un gîte du passant ou une résidence privée. J’ai aussi entendu qu’aucun espace de stationnement ne serait autorisé – sauf une voie d’accès vers une porte où pourraient être livrées des marchandises.

N’en croyant pas mes oreilles, je suis allé au micro lors de la période de questions pour vérifier si j’avais bien entendu et si je n’en avais pas perdu un bout pendant les explications. J’ai pris l’exemple suivant: si je voulais me construire une maison quelque part dans la ville, on exigerait que le terrain soit suffisamment grand pour qu’il y ait 1 ou 2 cases de stationnement. Pourquoi, alors, si l’usage résidentiel est permis sur le site de l’ancienne église St Luke et alors que la superficie du terrain le permet, n’est-il pas permis d’aménager quelques espaces de stationnement? Le même raisonnement s’applique si, comme cela est aussi permis par le nouveau règlement, un « Gîte du passant » était aménagé sur le site.

Madame la mairesse m’a alors répondu : « il y a déjà eu une consultation et les gens nous ont dit qu’ils ne voulaient pas que des espaces de stationnement puissent être aménagés sur ce terrain ».

Évidemment, comme la consultation à laquelle faisait référence madame la mairesse a été réservée aux habitants de la seule bourgade magogoise, il se peut que personne n’ait soulevé les problèmes et l’absurdité qu’une telle interdiction risquait de créer si, en même temps, la ville devait permettre divers usages « légers » nécessitant néanmoins quelques espaces de stationnement.

Évidemment aussi, comme le projet ayant donné lieu à la consultation du mois de novembre impliquait une circulation potentiellement intense à certains moments et que les gens voulaient protéger la quiétude de leur voisinage, il se peut que les participants à la consultation se soient dit qu’il valait mieux être plus restrictifs que moins.

Ce genre de consultation peut générer des propositions qui doivent par la suite être analysées avec un peu plus de finesse par les fonctionnaires de la municipalité et par le Conseil. C’est d’ailleurs ce que laissait entendre la mairesse Hamm dans une entrevue à la suite de la consultation : « C’est sûr qu’on va reparler du dossier entre nous, à la Ville de Magog, pour approfondir les choses en revenant sur cette consultation publique. »

Le résultat de la réflexion post-consultation du mois de novembre présenté au public le 14 janvier laisse entendre que, pour les divers usages « habitation », les propriétaires devraient, comme dans certaines vieilles grandes villes où les pieds carrés disponibles pour quelques cases de stationnement sont très rares, stationner ou faire stationner les automobiles dans des espaces de stationnement alentour. Comme s’il était impossible, tout en conservant un maximum de nature autour des bâtiments, d’aménager quelques cases de stationnement qui, par ailleurs, ne menaceraient nullement la quiétude des voisins.

Comme aurait pu l’écrire Jean de la Fontaine, en parodiant sa fable « Le meunier, son fils et l’âne » : à force de vouloir plaire à tout le monde et à son père, on finit par s’approcher dangereusement de l’absurdité.

Daniel Faucher