Tribune libre: Orford, préservons l’humble passé de nos défricheurs

Je suis Juanita McKelvey, née à Cherry River au canton d’Orford et j’y ai passé mon enfance. Je voudrais, au nom des miens, exprimer ici leur désarroi d’entendre la Municipalité du Canton d’Orford annoncer qu’elle voudrait démolir la maison patrimoniale au parc de la Rivière-aux-Cerises.  «La petite maison blanche», comme tous l’appellent, est un modeste bâtiment construit fin du 19e, qui fut la demeure de plusieurs générations anglophones. Le village était composé d’une population d’origines diverses : anglaise, irlandaise, hollandaise, allemande, etc.

Le hameau a été fondé par des gens vaillants, attirés ici par la «British American Land Company» pour défricher les terres et faire le commerce du bois en le faisant flotter sur la rivière vers le lac Memphrémagog. Cette bourgade, lovée autour de la rivière dite «aux Cerises», se vantait de ses moulins à scie, son usine de barattes à beurre, son école primaire. Pas d’église, les protestants priaient à domicile…

Anciennement surnommée «Tubville», Cherry River a vu ces petites entreprises disparaître une par une au fil du départ des anciennes familles pionnières. Plusieurs ont pris la route de Magog, de Sherbrooke et même de l’Ontario pour du travail. De nos jours, la population francophone, devenue majoritaire, ignore tout de ce passé qui faisait notre fierté. Symbole parmi les plus anciens de notre présence de défricheurs, «la petite maison blanche du 2304», qui jouissait de 50 acres de terrain, est aujourd’hui menacée. Les McKelvey, Catchpaw et Buzzell qui reposent au cimetière du village ne doivent pas s’en remettre…

Personnellement, j’ai eu comme passion de chercher à établir l’histoire de ces maisons pionnières, de ces gens travaillants, sans voix. J’ai voyagé à la grandeur des Cantons et un peu partout en Ontario pendant cinq ans, à mes frais, pour entendre leurs descendants donner vie à leur histoire que j’ai mise dans un ouvrage publié à compte d’auteur sur Cherry River, dont la mairie a copie. Je demande donc au conseil du Canton d’Orford, comme plusieurs de nos concitoyens, de chercher à inclure cette petite demeure plus que centenaire dans le nouveau projet de centre communautaire au lieu de la détruire.

Je suis fière cofondatrice de la Société d’histoire du Canton d’Orford. Avec mes collègues désireux de faire connaître l’histoire, nous tenons nos rencontres et des activités populaires sous ce toit.  Doit-on ne retenir que l’histoire des notables? Les citoyens, eux, comme les visiteurs, sont enthousiastes d’apprendre comment s’est développé ce village et à retrouver des traces bien réelles de cet humble passé des défricheurs. Nous sommes passionnés aussi, de pouvoir jouir d’un futur centre communautaire, un avec une mémoire, qui y aura fait une place à cette propriété municipale.

 

Juanita McKelvey 

Canton d’Orford