Tribune libre: une opinion médiocre sur la conservation patrimoniale

Dans le Reflet du Lac du 11 décembre dernier, Marc Delisle s’exprimait sur «Le prix du passé». Il a commencé par dire qu’il est pour la conservation, la rénovation et la mise en valeur des bâtiments patrimoniaux. Mais, aussitôt cela dit, il s’est consacré à démontrer que cela coûte trop cher, que ça ne nous fait pas avancer, que ça ne rapporte rien et que ça n’a aucune chance de rapporter quoi que ce soit «autrement que des mémoires».

Pour appuyer sa position, il affirme : «Les sous, dans une municipalité, proviennent d’une source unique : vous, les citoyens… qui payez des taxes ». Faux. Il y a, bien sûr, les taxes foncières, d’eau et autres. Mais il y a aussi les revenus de stationnements, de permis, de location; les revenus des droits de mutation sur les transactions immobilières; les revenus provenant de la taxe sur l’essence, les subventions diverses des gouvernements supérieurs, etc.

Delisle laisse aussi entendre que toute protection patrimoniale serait un fardeau pour une Municipalité et que, si on ne laisse pas des projets se réaliser sur des immeubles ayant une valeur patrimoniale, ce sont les citoyens qui vont inévitablement payer pour. Dans son esprit qui se veut éclairé, il semble se dire que si une multitude de citoyens ne se rend pas prendre des «selfies» devant un bâtiment patrimonial, c’est qu’il n’en vaut pas la peine.

Ces propos commandent quelques précisions. Quand une Municipalité, après une étude sérieuse, décide d’accorder une citation patrimoniale à un édifice ou à un lieu, elle n’en devient pas, par le fait même, propriétaire. Elle signifie simplement que cet édifice ou ce lieu constitue un marqueur significatif dans l’histoire de la collectivité. Il découle de cela que, lors d’une demande de permis pour rénover le bâtiment ou transformer les lieux, des exigences seront imposées quant aux matériaux à utiliser, aux volumes et à l’architecture à respecter, par exemple. Tout cela ne coûte pas un sou aux citoyens et peut ouvrir la porte à des aides gouvernementales diverses.

Il y a aussi des Villes qui ont la fierté de leur passé, qui depuis longtemps ont élaboré des règlements pour conserver l’intégrité architecturale de leurs plus vieux quartiers, qui apportent une aide professionnelle aux propriétaires qui veulent rénover leur bâtiment et qui procèdent même à une identification de l’année de construction de ces maisons anciennes. C’est un investissement parmi tant d’autres pour maintenir la qualité de vie des citoyens tout en contribuant à la notoriété de leur ville… qui à son tour attire visiteurs et villégiateurs. Ces décisions n’empêchent nullement ces villes de progresser.

Il arrive parfois, aussi, qu’une Municipalité achète un immeuble ayant une valeur patrimoniale reconnue et que, comme dans le cas de la maison Merry, elle investisse pour transformer ce lieu, en fasse un lieu de mémoire vivante (et non pas de simples souvenirs comme le laisse entendre dédaigneusement M. Delisle) et que ce lieu s’intègre dans une stratégie de développement touristique. Ce tourisme patrimonial, en plein développement partout, s’ajoute aux autres types de tourisme, avec le résultat que plus de commerces payent une taxe d’affaires à la Municipalité et payent des impôts sur leurs revenus, lesquels impôts peuvent aussi revenir en partie à la municipalité sous forme de subventions qui réduiront la part directe des citoyens dans certains projets, etc.

Les gens qui se préoccupent de conservation patrimoniale, contrairement à ce que semble penser M. Delisle, sont généralement des gens qui sont capables de s’adapter au changement et d’intégrer les dimensions économiques tout en gardant l’empreinte de leur histoire dans leur action. En lisant le commentaire de M. Delisle, je n’ai pas réussi à déterminer s’il faisait preuve d’ignorance, de mauvaise fois ou de populisme primaire, mais je me suis dit que, pour une personne qui a une formation d’ingénieur et qui a sollicité un mandat à la mairie auprès des citoyens de Magog en 2017, ça ne volait pas haut.

 

 

Daniel Faucher

Militant pour une conservation intelligente du patrimoine de valeur