Un Noël sans cadeau ni famille à l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac

NOËL. Une fébrilité s’empare des moines de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac quelques semaines avant la fête de Noël. Il y a davantage de cérémonies religieuses et de prières consacrées à la naissance du Christ, mais il n’y a aucun magasinage, aucun cadeau ni rencontre familiale pendant cette période de réjouissances.

«C’est un autre monde, admet Dom Laberge, père abbé au monastère depuis 14 ans. Nous ne visitons pas nos familles, mais nous célébrons la naissance de notre Sauveur, tout en accueillant nos visiteurs à l’hôtellerie».

Vivant au monastère depuis bientôt 60 ans, Dom Laberge reconnaît que le premier Noël loin des siens a été plus difficile à vivre. Il n’a vécu aucun Noël en famille depuis tout ce temps, car la règle dit qu’un moine, c’est au monastère qu’il vit.

«Nous avons le cœur gros au début, mais on voit le bon côté des choses avec le temps. On réussit à intégrer cette nostalgie grâce à la foi. Nos études, notre travail, nos lectures, nos prières et notre vie fraternelle en communauté permettent de vivre d’une façon très riche et équilibrée. C’est un choix de vie», résume-t-il.

«Avec le temps, je peux dire qu’il est normal pour moi de célébrer Noël sans ma famille. J’apprécie ce moment de l’année, car il s’agit d’une période tellement belle au monastère», ajoute-t-il.

 

La vie monastique à 38 ans

Père Flageole est le plus jeune moine de Saint-Benoît-du-Lac à 38 ans (Voir autre article en page 5). Lui aussi n’a partagé aucun repas des Fêtes en famille depuis son entrée au monastère à 23 ans. «J’avoue que ce fut plus difficile la première fois, surtout qu’on célébrait beaucoup en famille chez nous, confie-t-il. On a cependant quelques rares occasions de visiter notre famille de temps à autre dans l’année. On ne peut quitter pendant les Fêtes, car il n’y aurait même plus de vie au monastère pendant cette période si importante.»

Le nombre de célébrations et de cérémonies religieuses s’accentue à l’approche de Noël. Deux périodes de jeûne par semaine et un réveillon en silence accompagnent cette préparation spirituelle.

Cette fébrilité atteint son paroxysme les 24 et 25 décembre dans l’église abbatiale avec de nombreux fidèles. «Quelques repas des Fêtes sont parfois plus relevés et nous ajoutons parfois quelques petites douceurs comme du chocolat, admet Dom Laberge. Nous fermons aussi l’hôtellerie pendant une semaine entre le 25 décembre et le 1er janvier pour prendre une petite pause.»

 

L’équilibre entre le Noël commercial et le Noël chrétien

Dom Laberge ne juge pas le comportement de la société d’aujourd’hui à l’approche des Fêtes. Toutefois, il suggère un retour aux sources pour atténuer le volet commercial de notre époque. «Le Noël de l’extérieur est devenu très profane, païen et axé sur le consumérisme, s’attriste-t-il. J’invite les gens à profiter de cette période pour prendre une pause et réfléchir au sens profond de cet événement, plutôt que de célébrer la dinde et le party. Des cadeaux c’est bien, mais il ne faut pas oublier l’essentiel.»

Pour éviter de «dénaturer» cette fête, Dom Laberge suggère l’écoute d’émissions religieuses (chaînes Sel et Lumière, KTO TV), de découvrir des chants religieux (Les Cantates de Bach et les chants grégoriens de moines) et de revisiter des lectures sacrées.

«On n’oblige personne à passer une semaine en silence au monastère pour célébrer Noël, précise-t-il. On propose plutôt de se rassembler et de s’intérioriser.»

 

Signes religieux et laïcité

Une discussion sur une fête chrétienne est évidemment une occasion de parler laïcité. Ce débat de société est bien vu par les moines, plus particulièrement par Dom Laberge. Il accepte la proposition du gouvernement québécois d’éloigner les signes religieux des institutions publiques, comme au parlement et dans les écoles.

Il croit toutefois que ces signes, peu importe la religion, ont leur place dans les autres sphères de la société. «Je trouve dommage que les gens aient peur de ces signes, car ils ont pourtant une longue tradition et d’importantes significations», tient-il à préciser.

Dom Laberge et Flageole s’attristent de voir des gens choqués de les apercevoir en habit de moine à l’extérieur du monastère. «On sent un certain anticléricalisme, mais, à l’opposé, on nous demande aussi de plus en plus de bénédictions lorsqu’on nous voit.»

Dom Laberge s’attriste en voyant les crèches et les chants de Noël disparaître du paysage et de l’environnement de Noël. «Les chrétiens sont devenus pudiques en cette matière, observe-t-il. Nous sommes pourtant un pays d’origine chrétienne depuis plus de 400 ans. Un pays qui renonce à ces choses, je suis inquiet pour son avenir.»

 

Avenir de la communauté bénédictine

L’avenir de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac n’inquiète nullement le grand manitou du monastère, malgré la perte de la moitié des moines en quinze ans. La moyenne d’âge des 25 moines s’élève à 71 ans, mais la foi et la vocation demeurent intenses. «Nous n’avons pas peur, mais on ne se ferme pas les yeux, avoue Dom Laberge. Nous avons embauché des laïcs pour remplacer nos moines vieillissants à la fromagerie ainsi que pour assurer notre gestion administrative. On sent aussi un regain de la foi, et c’est bon signe pour l’avenir.»

Selon Dom Laberge, un moine ne rentre pas au monastère pour avoir un refuge confortable. Il y vient pour chercher Dieu dans la prière, le travail et les études.

Nous vivons dans le respect, la compassion, l’accueil et la compréhension de l’autre. Si les gens connaissaient davantage notre mode de vie, on serait sûrement plus nombreux. La vie bénédictine est la plus belle pour s’épanouir humainement et spirituellement, car les plus grands plaisirs sont d’ordre spirituel», conclut-il.