Tribune libre : l’histoire se répète à Orford

Voilà que l’histoire se répète! On annonce la démolition d’une demeure ancienne pour y planter autre chose. (Orford devra sacrifier la maison blanche. Reflet du Lac, édition du 20 novembre 2019, page 7).

On ne se payera pas un concours d’architectes pour chercher l’innovation, on fera dans le banal. Quelque chose qui sera à «rénover» quelques années plus tard pour déguiser sa banalité. Les architectes, préférant de juteux contrats leur permettant de ne pas s’harmoniser à une quelconque vieillerie, opinent qu’il faut détruire ce passé. La vieille demeure, témoin de la vie modeste des colons des années 1800 n’a aucun intérêt, passons au vinyle, la fausse brique ou autre nouveauté pour démontré qu’on a évolué.

Il y a au Québec une triste litanie de démolitions du genre, ignorées-ou-pire-permises par les Municipalités. On a tous des cas tristes en tête : des manoirs, des églises, des fermes…  À Orford, on fait mieux : non seulement on ne protège nullement ce village relativement épargné par l’artifice et les modes passagères, on permet de démolir notre passé, mais la municipalité l’achète pour démolir elle-même! Prenons les devants! La ville a-t-elle consulté pour se renseigner sur la valeur du bâtiment à abattre? On en en doute.

Les Américains, eux, restaurent, rénovent, reconstruisent leur patrimoine et le mettent en vedette. Je me suis déjà pâmé devant «la plus vieille école (primaire) en Amérique du Nord» à Ste-Augustine (Floride) et on nous expliquait qu’elle fut entièrement reconstruite à la suite d’un incendie. Un modeste petit bâtiment espagnol, émouvant de pauvreté et de simplicité.

Pas le Québécois dont la devise devrait être «Je m’oublie»! Ainsi disparaît notre histoire et meurent nos racines… Les colons étaient pauvres et on ne veut pas se le remémorer. Et si on était fiers d’avoir tenu bon, d’avoir résisté, d’avoir vaincu l’hiver et l’inconnu? Les immigrants européens et les Beaucerons qui s’installaient en ce coin de pays étaient des sans-terres, des laissés-pour-compte qui devaient se déficher une vie à même la forêt pour survivre. Et si nos enfants s’étonnaient un jour de notre survivance? Et s’ils devenaient fiers de leurs ancêtres? Les enfants de ces demeures ont grandi, sont partis, mais, si on écoute,  on peut encore entendre le feu qui crépite et leurs rires, leurs pleurs, leurs prières.

Donnons donc l’occasion à nos enfants et petits-enfants de s’en rendre compte en visitant un jour la «petite maison blanche», humble toit, sans nom, sans voix…

Marc Gilles Bigué

Canton d’Orford