Gilles Bélanger, un député prêt à bousculer l’ordre établi

CONFIDENCES. Gilles Bélanger a surpris bien des gens en troquant son veston d’homme d’affaires pour celui de politicien, en 2018. Reconnu pour son franc-parler, ses idées de grandeur et sa méthode de travail à 100 milles à l’heure, tout pointait vers une combinaison explosive. Pourtant, un an plus tard, le «jeune» député se sent plus que jamais en mission, prêt à bousculer l’ordre établi pour faire de la politique autrement.

La rencontre pour cette entrevue se passe à son bureau du centre-ville de Magog. La forme splendide du député est sans doute attribuable au fait qu’il est chez lui, à la maison. Un endroit où il s’est fait plus absent que présent ces derniers mois, et il ne s’en cache pas.

«Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si prenant en nombre d’heures de travail. La plupart du temps, mes journées commencent à 5 h 30 et se terminent à 21 h 30, parfois même les week-ends. Et à Québec, je pensais être là trois jours semaine, mais c’est plutôt la semaine au complet», soutient M. Bélanger.

 

Un travail d’équipe

Avec un horaire surchargé et une courbe d’apprentissage plus grande que prévu, Gilles Bélanger se félicite aujourd’hui d’avoir osé, il y a quelques mois, en formant son équipe.

Sa vision était d’avoir, localement, des gens capables de faire aussi bien le travail que lui – et même davantage – durant ses obligations à l’extérieur du comté. «En business, je me suis toujours entouré de gens meilleurs que moi. En politique, c’est moins commun, constate-t-il. Traditionnellement, le député prend toute la place dans sa circonscription et son équipe, elle, est moins connue. Mais moi, c’est carrément l’inverse et jusqu’à présent, c’est payant, car les dossiers avancent très bien. C’est assurément mon plus bel accomplissement, même si certaines personnes pourraient me le reprocher.»

Se voyant faire deux mandats, tout au plus, l’homme de 61 ans «rêve» même de passer le flambeau à un des membres de sa garde rapprochée.

 

Réussir là où les autres ont échoué

Même s’il assure n’avoir jamais eu de visées ministérielles, Gilles Bélanger se considère chanceux d’avoir été écarté du cabinet, maintenant qu’il voit l’ampleur de la tâche rattachée à ces fonctions.

Et pour un homme qui carbure aux défis, disons qu’il est plus que servi. Le premier ministre François Legault lui a notamment confié l’un des dossiers les plus ambitieux, soit le déploiement de l’Internet haute vitesse dans les régions. «Tout le monde s’est cassé la gueule, mais moi, je suis têtu et je veux le réussir. C’est inconcevable qu’encore aujourd’hui, environ un million de Québécois n’aient pas accès à ce service», déplore le principal intéressé.

«Actuellement, les gros fournisseurs tiennent les régions et les plus petits joueurs en otage. On a tendance à se baisser devant eux, mais pour moi, il n’en est pas question. S’ils ne collaborent pas, j’irai aussi loin que d’envisager la nationalisation d’Internet», prévient-il.

Bélanger est également adjoint parlementaire du ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon et il siège au Caucus des Grands Lacs du Saint-Laurent ainsi qu’au «Council of State Governments» aux États-Unis.

Sans compter les commissions parlementaires où du temps précieux est carrément gaspillé, à son avis. «C’est inacceptable pour le Québec que des députés et des ministres passent autant d’heures à étudier des projets de loi. On devrait déléguer des législateurs pour nous permettre, pendant ce temps, de nous attaquer aux vrais enjeux. Je comprends que ça fonctionne ainsi depuis longtemps. Par contre, quand 70% de notre temps est improductif, c’est qu’il y a un sérieux problème», peste le décideur.

 

Brasser la cage

Dans sa précédente carrière d’homme d’affaires, Gilles Bélanger est passé de la parole aux actes, en réalisant des projets majeurs à Magog tels que l’École Montessori, le Carrefour Santé Globale ou encore l’îlot Tourigny.

Il avoue que les résultats sont plus lents à se concrétiser dans ses nouvelles fonctions. «Je m’en allais en politique pour faire plus, plus vite et mieux. Mais à ce jour, mon impact dans le développement économique est moins bon en politique que comme promoteur, concède-t-il. Mais je commence à voir la lumière au bout du tunnel, surtout que je prends de plus en plus ma place.»

«Au début, en suivant les conseils de mes mentors comme Robert Benoit et Daniel Johnson, j’ai été silencieux, poursuit le caquiste. Mais après six mois, j’ai pris confiance en débattant avec des Carlos Leitao ou Gaétan Barrette, des gens que je voyais avant à la télévision. Et quand l’an un est arrivé, je me suis dit: «le vrai Gilles revient». En caucus, je prends souvent la parole en premier et je dis ce que je pense, avec de moins en moins de filtre. Je brasse et j’espère que ça va contribuer à changer les choses.»

 

Des reproches aux riches

Loin de se limiter à un rôle de spectateur, Gilles Bélanger veut être un acteur de changement et apporter sa vision aux décisions de demain. En économie, par exemple, il prône un État «moins interventionniste» envers les grandes corporations, en laissant libre cours à la loi du marché. De l’argent qui devrait plutôt servir, selon lui, au développement «urgent» des régions laissées à l’abandon par les gouvernements précédents.

Il considère aussi que les plus fortunés de la société ont un rôle à jouer. «Prenons juste notre région. Il y a tellement de riches autour du lac qui veulent seulement avoir la paix. Pourtant, ces gens ont un devoir de citoyen de contribuer à l’essor économique des régions où ils habitent. Si la richesse du Memphrémagog participait légèrement à sa communauté, il n’y aurait plus de pauvreté dans le bas de la ville ou dans les milieux ruraux, comme Potton»,  conclut-il.

 

«La politique, c’est extrêmement cruel pour les familles»

En devenant député, Gilles Bélanger savait que les sacrifices personnels allaient être importants. Toutefois, il ne pensait jamais que son travail allait causer des dommages collatéraux si dévastateurs auprès de sa famille. Le père de trois enfants, âgés de 12, 14 et 16 ans, devient vite émotif lorsqu’il aborde l’aspect familial entourant ses nouvelles fonctions.

Il reconnaît que les premiers mois de son mandat ont donné lieu à une véritable tornade d’émotions, à un point tel qu’il est passé près de remettre sa démission. «Ma famille a carrément explosé, raconte M. Bélanger. Je me suis séparé en cours de route et depuis, je me retrouve en garde partagée. La politique, c’est extrêmement cruel pour les familles. On est souvent absent et même en congé, on est constamment sollicité. Ça crée une espèce de clivage avec tes proches. Pour eux, c’est un choc total.»

Pour traverser cette épreuve, le politicien s’accroche au positif et aux raisons premières qui l’ont motivé à faire le saut.

Il rappelle d’ailleurs que la politique faisait partie de sa liste de choses à accomplir. «Oui, j’ai perdu beaucoup, mais je n’ai pas de regrets, assure le député recrue. Je pense seulement qu’il faut trouver une meilleure balance entre le travail et notre vie personnelle. Plusieurs de mes collègues ont vécu la même chose que moi dans les derniers mois et nous sommes plusieurs à en avoir parlé à M. Legault, qui demeure un homme très humain.»