Paul Asmuth: l’ancien roi du Memphré garde une place de choix pour Magog

BIOGRAPHIE.  N’eût été le boycott américain lors des Jeux de Moscou en 1980, les Magogois n’auraient peut-être jamais connu Paul Asmuth. Près de 40 ans plus tard, le principal intéressé se réjouit encore de cette décision politique, ce qui lui a permis de devenir l’un des plus grands athlètes de l’histoire de la nage en eau libre.

Bien que le record de victoires (11) de la Traversée internationale du lac Memphrémagog appartienne au Bulgare Peter Stoychev,  plusieurs considèrent encore Paul Asmuth comme le véritable roi du Memphrémagog.

Alors que Stoychev, dont la personnalité ne faisait pas l’unanimité, a remporté la majorité de ses titres sur un parcours aller-retour de 34 km entre Magog et Georgeville, l’Américain se distinguait sur le parcours original de 40 km entre Newport et Magog.

Et chacune de ses six victoires – en sept ans – a été remportée avec classe et détermination, à une époque ou le «drafting» (nager dans le sillon d’un autre compétiteur) n’était pas encore instauré. «Ces années ont été très précieuses pour moi. Oui, c’était une compétition, mais je retiens surtout cet esprit de famille qui régnait au sein de la confrérie des nageurs. D’ailleurs, sur la route, je n’hésitais pas à partager une chambre avec Claudio Plitt si ça pouvait me permettre d’économiser un peu», lance-t-il en riant, en faisant allusion à l’un de ses plus coriaces adversaires.

Paul Asmuth a remporté six victoires à la Traversée du Memphrémagog dans les années 1980.

L’Abbaye en couverture de sa biographie

Durant ses belles années à Magog – de 1980 à 1991 – Paul Asmuth n’a cependant pas eu à s’inquiéter très souvent pour son hébergement. Il s’était lié d’amitié avec le regretté Pierre-Paul Landreville, un ancien restaurateur et artisan de la Traversée, qui l’avait pris sous son aile et accueilli dans sa famille.

L’Américain a aussi développé un profond attachement pour l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, un endroit mythique qui rejoignait ses valeurs spirituelles. «La nage en eau libre, c’est un peu comme de la méditation. Tu n’entends rien, tu ne sens rien et tu ne vois pratiquement rien. La plupart de tes sens sont inutiles. Pendant plusieurs heures, tu alternes entre les coups de bras et les respirations. Ce qui te permet de continuer, c’est ce que tu as à l’intérieur», a-t-il expliqué lors d’une entrevue avec le Reflet du Lac.

Incidemment, c’est une photo de lui au lac Memphrémagog, alors qu’il passe devant l’Abbaye de Saint-Benoît, qui orne la couverture de sa récente autobiographie intitulée «La nage en eau libre: sport de l’âme».

De passage à Magog en début de semaine pour faire la promotion de ce livre et pour renouer avec quelques dirigeants de la défunte Traversée du Memphrémagog, Asmuth a tenu à rappeler son attachement pour la région et pour le célèbre monastère. «Je savais que les moines priaient pour nous afin qu’on soit en sécurité sur l’eau et c’était très important pour moi. Lorsque j’arrivais à la hauteur de l’Abbaye, j’accélérais la cadence jusqu’à l’arrivée», raconte le sympathique athlète.

«J’ai des souvenirs merveilleux de mes passages à Magog. Mais le plus mémorable est certainement la Traversée de 1982, alors que mon père assistait pour la première fois à l’une de mes courses en eau libre. C’était très émouvant de pouvoir partager cette victoire avec lui. Être accueilli par le rugissement de 15 000 spectateurs à l’arrivée, ça donne la chair de poule. C’était le moment le plus incroyable que j’avais vécu dans le cadre d’un événement sportif. Je parierais que c’est à ça que ressemble le paradis», indique l’homme de 62 ans dans son livre.

Après l’une de ses conquêtes, Asmuth reçoit son trophée des mains du président d’honneur Guy Carbonneau (à gauche) et du président de la Traversée, Yves Grandmaison (à droite). (Photo archives – Le Reflet du Lac/Le Progrès de Magog)

En bref…

Du 1500 mètres… au 40 km

Pressenti comme un espoir de médaille au 1500 mètres style libre, Paul Asmuth a dû mettre une croix sur son rêve olympique en 1980, lorsque les États-Unis et plusieurs autres pays (dont le Canada) ont décidé de boycotter les Jeux de Moscou, pour protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan. Quelques mois plus tard, il remportait la première de ses six victoires à Magog, dont quatre de façon consécutive entre 1980 et 1983. «Je suis devenu nageur longue distance un peu par défaut, mais il faut croire que c’était ma destinée. J’ai eu une carrière riche de plusieurs expériences. Je ne sais pas si une médaille olympique m’aurait apporté autant», s’interroge celui dont la dernière course à Magog remonte à 1998, lors du 20e anniversaire de la Traversée.

De retour à Magog à l’automne

Sortie à la fin de l’année 2018, la version anglaise du livre de Paul Asmuth, «Marathon Swimming: the Sport of the Soul», est actuellement disponible aux États-Unis et sur Amazon. Une version francophone devrait être sur les tablettes d’ici un mois. L’ancien roi du Memphré a aussi promis de revenir à Magog cet automne, afin d’y faire un lancement officiel et d’y tenir une séance de dédicaces.

Hommage à ses entraîneurs

Lui-même devenu entraîneur après avoir pris sa retraite de la compétition, Paul Asmuth consacre plusieurs chapitres de son livre à ceux qui l’ont dirigé tout au long de sa carrière. Des sections sont également consacrées à ses compétitions les plus importantes comme le lac Memphrémagog, le lac Saint-Jean, Atlantic City, l’Égypte et la traversée de la Manche, où il détient le record du temps le plus rapide chez les hommes.

Son plus beau souvenir de la Traversée du lac Memphrémagog est la course de 1982, alors que son père était présent pour la première fois. L’année suivante, c’est sa sœur Cindi qui était aux premières loges de sa victoire, alors qu’elle l’accompagnait dans la chaloupe comme entraîneure.

Accepté à Magog de justesse

Paul Asmuth et son compatriote James Kegley ont été acceptés à la toute dernière minute pour la Traversée du Memphrémagog en 1980. Selon son récit, Asmuth raconte que lui et son comparse ont dû passer par une épreuve de qualification de 10 km, après avoir été précédemment refusés par le fondateur et organisateur de l’événement, George Lussier. Les deux Américains ont aussi profité de la pression des journalistes, dont celle du regretté Bertrand Gosselin, qui militaient pour leur adhésion à Magog. La suite fait maintenant partie de l’histoire.

Paul Asmuth sera de retour à Magog cet automne pour présenter la version française de son autobiographie. (Photo Le Reflet du Lac – Patrick Trudeau)