«Soeur Edna» traverse le temps

CHANSON. Edna DesRoberts est loin de s’offusquer lorsqu’on l’appelle encore «Sœur Edna», même si elle a quitté son célèbre personnage il y a plus de 30 ans. Pour bien des gens, elle demeure la (fausse) religieuse la plus divertissante que le Québec ait connue.

De 1974 à 1987, Edna et son mari Réal DesRoberts ont opéré l’un des cabarets-spectacles les plus prolifiques en Estrie.

Des concours amateurs, une ambiance électrisante et une propriétaire éclatée – déguisée en nonne! – ont fait de «La Retraite de Sœur Edna» (L’Hôtel New Magog) l’endroit de divertissement par excellence à Magog au cours de cette période. «260 000 personnes sont passées dans notre établissement. Durant toutes ces années, nous avons généré de belles retombées économiques pour la région. Et surtout, nous avons eu beaucoup de fun», se rappelle la vénérable artiste, qui vient tout juste de fêter ses 85 ans.

Bien qu’elle soit souvent associée à un style grivois et à un humour décapant, Edna DesRoberts est avant tout une amoureuse de la belle musique. Pendant 20 ans, elle a bercé les clients du Manoir Hovey par ses douces interprétations au piano.

Encore aujourd’hui, elle se rend au Pavillon Argyll (centre hospitalier) de Sherbrooke deux fois par mois pour divertir les patients qui y sont hébergés. «Je crois que je fais du bien à ces gens. La poésie de Brel ou de Vigneault est tellement belle quand on prend le temps de l’écouter», dit-elle avec émotion.

«Mais il m’arrive encore de faire des blagues pour surprendre les gens. Quand je leur lance que j’ai le bout des seins comme des bonbons durs, ça crée une certaine surprise», lance-t-elle dans un éclat de rire.

Une femme qui a du «guts»

Épouse et complice de son Réal depuis 63 ans, mère de quatre garçons, grand-mère – et même arrière-grand-mère – attentionnée, Edna DesRoberts est à l’opposé de l’image de femme festive et délurée qu’elle a incarnée durant les années 1970 et 1980.

Selon elle, ses engagements professionnels n’ont jamais nui à la cause féministe. «Je pense plutôt avoir projeté l’image d’une femme qui a du «guts». Et vous savez, dans notre cabaret, les femmes avaient autant de plaisir que les hommes», assure-t-elle.

Edna DesRoberts (alias «Sœur Edna) a lancé une dizaine de disques et cassettes au cours de sa carrière, dont le classique album «Aimez-vous les uns sur les autres»… (Photo Le Reflet du Lac – Patrick Trudeau)

 

Le temps ayant fait son œuvre, Mme DesRoberts avoue avoir ralenti ses activités au cours des dernières années. «Mon corps s’en va en diminuant, mais mon esprit ne vieillit pas. Je ne lâcherai jamais. J’ai beau avoir une mauvaise vision, je pourrais jouer du piano les yeux fermés», affirme celle qui a lancé une dizaine d’albums et cassettes de diverses compilations au fil des ans.

Après avoir vendu l’Hôtel New Magog (qui est finalement parti en flammes en 1989), Edna DesRoberts a passé plusieurs de ses hivers en Floride et de nombreux étés sur le lac Memphrémagog. «Pendant 12 saisons, j’ai animé les croisières sur le bateau L’Aventure durant le jour, et je me rendais ensuite chanté au restaurant L’Étoile-sur-Lac pour mon quart de soir. J’ai fait deux jobs pendant une bonne partie de ma vie. C’est sans doute pour ça que mon corps s’en ressent aujourd’hui», constate-t-elle.

«Toujours besoin de folles»

Marchande de bonheur et semeuse de sourires partout où elle est passée, Edna DesRoberts n’a qu’un seul chapitre qu’elle souhaiterait effacer de sa longue carrière: celui d’un spectacle jugé «inapproprié», présenté en 2001 au sanctuaire de Beauvoir.

«En raison du lieu, mon style avait choqué certaines personnes. J’ai eu droit à des critiques sévères dans les médias et ce fut l’une des rares fois où j’ai pleuré au cours des dernières années», se remémore-t-elle.

«Mais après trois jours à me morfondre, j’ai décidé d’écrire au journaliste (d’un quotidien régional) qui avait été le plus dur à mon endroit. Je lui ai fait comprendre que je n’allais pas changer mon style et que le Bon Dieu aurait toujours besoin de folles comme moi pour distraire les gens.»

Et comment!

«La retraite de Soeur Edna» a été un lieu de divertissement fort populaire à Magog durant les années 1970 et 1980 (Photo gracieuseté)