L’ex-Difco de Magog: un danger public?

INDUSTRIE. La Ville de Magog demande à une compagnie de la Nouvelle-Écosse, Anahid Hospitality Management, d’améliorer la sécurité dans son vaste bâtiment vide du 160, rue Principale Est.

L’ex-Difco est laissée à l’abandon depuis plusieurs années, sans entretien ni surveillance. La Régie de police de Memphrémagog (RPM) y constate des dizaines d’infractions par année, comme des introductions illégales et des actes de vandalisme. L’édifice industriel est considéré comme un danger public par les policiers, surtout que des gens s’y promènent et y dorment malgré des planchers défoncés.

Le directeur du Service de sécurité incendie à la Ville de Magog, Sylvain Arteau

Le directeur du Service de sécurité incendie à la Ville de Magog, Sylvain Arteau, confirme la demande du conseil municipal afin de sécuriser les lieux. Il demeure peu loquace sur la question, préférant la collaboration du propriétaire plutôt que de lancer un débat sur la place publique. «Il y a eu une inspection pour constater l’état des lieux, détaille-t-il. Un dossier est actuellement ouvert à des fins de discussions. On pourrait faire appel au judiciaire, au besoin seulement.»

Arteau considère ce bâtiment comme un lieu à risque élevé, comme d’autres dans le parc industriel à Magog. Il admet néanmoins un souci de sécurité supplémentaire en raison de la facilité à accéder à l’intérieur de ses murs, ainsi que des risques d’incendie. «Je tiens à rassurer la population que nous sommes prêts à intervenir si jamais un incendie s’y déclare, car nous connaissons les lieux», signale-t-il.

 

Un lieu extrêmement dangereux

L’inquiétude ronge davantage la Régie de police. Son directeur général, Guy Roy, déplore les entrées non sécurisées et non conformes. Il rappelle que les risques de chute sont très élevés à l’intérieur, surtout qu’il y fait très noir. «Une personne pourrait tomber d’une hauteur de 25 pieds, car les planchers sont troués sur trois étages. Nous sommes très chanceux de n’avoir eu aucun incident majeur», dit-il.

Lui aussi demande à la compagnie basée à Halifax de sécuriser son bâtiment. «Les propriétaires de l’ancienne CS Brooks ont répondu à nos demandes en barricadant leurs installations de façon efficace, mais rien n’a été fait dans l’ex-Difco. Voilà pourquoi les entrées illégales se poursuivent», déplore M. Roy.

Lieutenant de la RPM, Sylvain Guay ordonne même à ses hommes de ne plus intervenir à l’intérieur du bâtiment, en raison d’un risque élevé de blessures pour les policiers et pour des gens à l’intérieur qui seraient tentés de s’enfuir à la course malgré les dangers.

 

«On ne risquera pas notre vie pour un ticket de 100$

M. Guay rassure toutefois la population que ses hommes répondront aux appels et aux plaintes, mais qu’ils attendront à l’extérieur pour intercepter les contrevenants. «On ne risquera pas notre vie pour un ticket de 100$, mais on va entrer si la situation l’exige», lance-t-il.

Sylvain Guay ne compte plus les interventions réalisées dans l’ancienne Dominion Textile depuis environ cinq ans. L’hiver est une période plus tranquille, mais les appels concernant la présence de gens sur un terrain privé ou sur le toit, par exemple, augmentent avec le beau temps.

Le lieutenant Sylvain Guay.

Plusieurs activités ont été constatées à l’intérieur, confirmant la présence illégale de gens. Les policiers ont découvert des traces de feux sur des planchers de bois, des sacs de couchage, des tables à pique-nique, des chaises de parterre, des bouteilles de bière, etc. Ils ont déjà intercepté un homme en motocross à l’intérieur des murs, ainsi qu’une autre personne courant sur le toit. Cette dernière s’était d’ailleurs blessée à une cheville en fuyant les policiers. Du flânage et du vol de matériel ont également été observés au fil des ans.

Sylvain Guy est catégorique : l’ex-Difco représente un danger public, surtout pour les jeunes qui s’aventurent dans un lieu si intrigant et à l’abri des regards. «C’est un lieu propice aux crimes graves comme une séquestration ou une agression sexuelle, car personne ne peut entendre une victime vulnérable crier à l’aide. C’est extrêmement dangereux», déplore-t-il.

 

Un enjeu de sécurité publique

Le Collectif du Quartier des Tisserands partage les mêmes préoccupations, en raison des lacunes de sécurité, des risques d’incendie majeur et de la détérioration d’un bâtiment que ses membres jugent toujours d’un grand intérêt patrimonial.

La porte-parole du groupe, Louise Gagné, craint notamment la propagation des flammes à l’intérieur du complexe textile, ainsi qu’aux édifices commerciaux et résidentiels voisins, plus particulièrement lors de grands vents. Elle se demande même si les propriétaires ont des assurances pour couvrir les sinistres et indemniser des citoyens affectés par un incendie.

«Considérant la concentration et la proximité des édifices dans ce secteur, le manque de sécurité des lieux devient un enjeu de sécurité publique. Il y a urgence d’agir pour sécuriser les lieux, sauvegarder la valeur architecturale et patrimoniale des bâtiments, ainsi que d’aménager des espaces publics pour sécuriser les lieux», prévient Mme Gagné.

Selon le Collectif, l’immeuble est sérieusement menacé par différentes formes de vandalisme et de négligence, comme des vitres cassées, des feux allumés, des planchers défoncés et déformés par le gel et l’humidité, les risques de chute, une plomberie en mauvais état, l’absence de surveillance, etc.

Plusieurs accès permettent de pénétrer facilement dans le bâtiment désaffecté. (Photo Le Reflet du Lac – Dany Jacques)
Cette photo prise dans les bureaux administratifs démontrent que des casseurs ont déjà visité les lieux. (Photo gracieuseté)
Malgré des clôtures cadenassées, des gens s’aventurent sur la propriété de l’ancienne Difco, comme en témoignent les pas dans la neige. (Photo Le Reflet du Lac – Dany Jacques)
Près de deux ans après un incendie, la scène n’a toujours pas été nettoyée. On se rappelle que les policiers soupçonnaient que des squatteurs avaient mis le feu en avril 2017. (Photo Le Reflet du Lac – Dany Jacques)
Plusieurs clôtures ont été forcées ou coupées sur le site. (Photo Le Reflet du Lac – Dany Jacques)