Parc national du Mont-Orford: l’agrandissement se fait attendre, 13 ans plus tard

ENVIRONNEMENT. Promis par les libéraux en 2006, l’agrandissement du parc national du Mont-Orford n’est pas pour demain, car les délais s’étirent sans cesse depuis déjà 13 ans. Le regretté Claude Béchard était ministre de l’Environnement lorsqu’il a annoncé son intention de doubler la superficie du parc, le 6 mars 2006. L’agrandissement était une réplique du gouvernement Charest pour atténuer la grogne des groupes écologistes, qui s’opposaient alors à la privatisation partielle du parc. À l’époque, Québec voulait soustraire le golf et le ski du parc afin que le promoteur André L’Espérance investisse dans l’immobilier au pied des pentes. Le gouvernement a fait volte-face l’année suivante, mais a conservé son intention de doubler la superficie du parc. 13 ans plus tard, les délais s’additionnent et reportent constamment la permission aux premiers randonneurs d’explorer de nouvelles terres publiques. En ce début d’année 2019, toujours pas de date d’ouverture ni d’échéancier précis, malgré des millions de dollars investis dans l’achat des terrains. Des informations récoltées par le débuté d’Orford, Gilles Bélanger, auprès du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, indiquent que le dossier progresse, mais sans objectif précis. «Il est difficile de déterminer une date pour l’agrandissement du parc national du Mont-Orford puisque des étapes importantes doivent être complétées», explique M. Bélanger. Le projet d’agrandissement prévoit l’ajout de 43 kilomètres carrés à la superficie du parc, laquelle se chiffre actuellement à 59,5 km carrés. À ce jour, tous ces 43 km² de terrains ont été acquis de six propriétaires pour les fins du parc, mais les dossiers ne sont pas tous finalisés pour déterminer le coût de la transaction. De plus, le Ministère a indemnisé neuf occupants de terrains expropriés et a élaboré des projets de cessions de terrains aux Municipalités de Racine et de Saint-Denis-de-Brompton pour la mise aux normes de chemins ou d’installations de traitement d’eaux usées.   Des délais causés par les expropriations Les délais du projet d’agrandissement sont principalement liés aux acquisitions de terrains, ajoute M. Bélanger. Celles-ci impliquent plusieurs intervenants et se font, pour la plupart, dans un contexte d’expropriation, ce qui entraîne des délais hors de contrôle du Ministère, notamment en ce qui a trait aux procédures légales requises. Un dossier demeure en litige, soit celui de l’indemnité finale pour l’acquisition de terrains appartenant à «Les Placements Bombardier limitée». Selon le député d’Orford, les pourparlers sont en cours pour fixer un montant d’argent. Le Tribunal administratif du Québec fixera l’indemnité finale si aucune entente n’est conclue. «Précisons que le ministère est déjà propriétaire du terrain, mais une entente doit être conclue pour fixer le montant de l’indemnité finale», détaille M. Bélanger. Un autre dossier demeuré en suspens pendant 12 ans et 6 mois s’est finalement conclu il y a quelques mois. Me Gilles Fontaine, un avocat de Sherbrooke ayant une propriété près du lac Brompton, confirme avoir trouvé un terrain d’entente à l’amiable avec le gouvernement. «Ce fut très long, mais c’est maintenant terminé. Il ne reste plus qu’un seul dossier à régler, soit celui des Placements Bombardier », détaille-t-il. Par ailleurs, des pourparlers sont en cours pour l’acquisition d’autres terrains d’intérêt dont la superficie reste à confirmer. «L’acquisition de ces terrains, le cas échéant, sera réalisée de gré à gré et non par expropriation. L’échéance de ces transactions est difficile à déterminer à cette étape-ci et peut influencer le délai de l’agrandissement officiel du parc national», poursuit M. Bélanger. Québec estime que les négociations et les acquisitions seront terminées d’ici la fin de l’année 2020. Les séances d’information et les audiences publiques pourraient ensuite avoir lieu. Il n’y aura donc pas d’ouverture officielle avant 2021, soit plus de 15 ans après la première annonce. Quant au député Bélanger, il espère que cet échéancier sera finalement respecté.   Un agrandissement modifié et réduit en 2013 Un écologiste et voisin du futur parc, Pierre Dépôt, rappelle que la superficie du parc sera loin d’être doublé. En raison d’une modification effectuée en 2013, il a été décidé qu’une portion de 8,6 km carrés des terrains visés se verrait plutôt attribuer le statut d’aire protégée de réserve de biodiversité plutôt que celui de parc national. La superficie de l’agrandissement est donc passée d’environ 52 à 43 km carrés. Le ministère explique ce retrait par la présence de sentiers régionaux de véhicules hors route sur cette portion du territoire, car leur présence est interdite par la loi à l’intérieur des parcs nationaux. Dépôt s’inquiète aussi de la disparition de cette aire protégée sur la carte actuellement publiée sur le site web du ministère, contrairement à sa consultation précédente. Il y aurait préféré un parc national, mais il espère que la rayure de cette option sur la carte ne compromettra pas la vocation d’aire protégée. Pour sa part, le président du groupe Memphrémagog Conservation Inc. (MCI), Robert Benoit, ne manifeste aucune inquiétude malgré la lenteur des négociations. «Le dossier est trop avancé pour être compromis. Il faut juste être patient, car c’est toujours long avec le gouvernement», prévient celui qui a aussi milité contre la privatisation partielle du parc national.