«On a tout à gagner à se battre…et tout à perdre à ne rien faire»

FEMME. Assister à une conférence de Blandine Soulmana, c’est avoir un accès privilégié dans la vie d’une femme passionnante… avant que son histoire ne se retrouve au cinéma.

Car l’existence de Mme Soulmana est digne d’un film, comme ont pu le constater les participantes du Centre des femmes Memphrémagog, réunies pour leur activité annuelle dans le cadre de la Journée internationale de la femme.

Un film qui commence avec des années particulièrement cruelles, mais qui se termine (ou se poursuit, devrait-on dire) avec un dénouement plus humain et lumineux, à l’image de la Québécoise d’adoption.

Née en France d’un père arabe et d’une mère française, Blandine Soulmana s’est retrouvée dans la rue dès son jeune âge, en raison du statut modeste de sa famille. Malgré des conditions de vie difficiles, elle s’est toujours tenue droite, et cette attitude lui sera salvatrice quelques années plus tard.

Devenue mère à 16 ans, on lui retire la garde de son fils dès sa naissance, parce que sa belle-famille, de confession musulmane, la trouve trop indigne pour occuper son rôle maternel. «J’avais encore du lait dans les seins lorsqu’on m’a retiré mon enfant», raconte-t-elle.

Prête à tout pour revoir son fils, elle accepte de rejoindre son mari en Algérie, ne se doutant pas de ce qui l’attendait. «C’était un piège pour me forcer à quitter la France. Lorsque j’ai voulu m’échapper, mon époux m’a poignardé à de multiples reprises et je me suis retrouvée dans le coma. Je m’en suis sortie, mais j’ai aussi fait de la prison pendant neuf mois pour avoir tenté de m’échapper. Finalement, quelqu’un m’a aidé à me sauver un peu plus tard et je suis partie m’établir en Allemagne», poursuit-elle.

Son fils, qu’elle n’aura connu que quelques minutes, elle le reverra seulement 16 ans plus tard.

Le même parfum de bébé

Devenue une femme d’affaires prospère dans le milieu de la mode et armée d’une nouvelle énergie, elle entreprend des démarches pour le revoir, malgré les embûches déposées par son ex-conjoint. «Quand je l’ai pris dans mes bras pour la première fois, j’ai senti la même odeur de bébé que 16 ans plus tôt. Jusqu’à ce qu’il termine ses études, je l’ai visité en Algérie de façon régulière, et il est par la suite venu habiter avec moi en Allemagne».

 

Si Blandine Soulmana a pu traverser tant d’atrocités et en ressortir grandie, elle le doit à sa force de caractère et à son esprit de battante. «J’ai réussi par la seule force de ma volonté. Quand je suis sortie du coma après avoir été poignardée, j’ai décidé que j’allais me reconstruire un pas à la fois et que j’allais avancer», plaide-t-elle.

«La résilience est importante quand on veut améliorer son sort, car c’est la capacité de rebondir. On a tout à gagner à se battre et tout à perdre à ne rien faire», lance-t-elle avec conviction.

Au Québec par hasard… et par affaires

Maintes fois sollicitée par les médias allemands et français pour raconter son histoire, Blandine Soulmana a décidé d’en écrire quelques chapitres sous forme de livres.

Voulant avant tout publier ses ouvrages en France, elle se laisse finalement charmer par une maison d’édition québécoise. «Ces gens étaient beaucoup plus intéressés par la qualité du contenu que par le besoin de faire des profits. Leur façon de penser me rejoignait beaucoup», précise-t-elle.

De fil en aiguille, ses livres connaissent du succès et elle décide de s’établir en permanence dans la Belle Province, plus précisément dans la région de Victoriaville. «Ironiquement, j’ai réussi à faire une percée en France, alors que ma maison d’édition était au Québec».

Conférencière reconnue aussi bien au Québec qu’outre-mer, Mme Soulmana offre aussi des consultations privées ou des ateliers à différents groupes. «Je visite régulièrement des centres de femmes, mais ça peut être également des groupes en prison ou des associations de jeunes».

Son franc-parler lui a cependant parfois valu quelques commentaires indésirables. Elle se souvient notamment avoir reçu des menaces après avoir critiqué à la télévision la question des accommodements raisonnables. «Je suis arrivée chez moi et j’avais un message sur mon répondeur qui me disait de faire attention parce que j’étais une femme et que je ne valais rien; ça m’a vraiment choquée», avoue-t-elle, sans toutefois avoir été impressionnée.

«Mon père m’a toujours dit que lorsqu’on arrive dans un autre pays, c’est comme si on allait en visite chez quelqu’un. On s’adapte au mode de vie de notre hôte et s’il nous demande d’enlever nos souliers dans sa maison, on les enlève», conclut-elle.

Pour en apprendre davantage sur les implications de Blandine Soulmana: www.blandine-soulmana.com