Les Tourigny : qui donc étaient-ils?

Que l’on parle de la maison, de l’îlot, de la famille ou de la place Tourigny, ce patronyme est sur toutes les lèvres et fait régulièrement les manchettes. En 1994, le regretté Jacques Boisvert a mené une campagne pour qu’une rue porte l’odonyme Alfred-Tourigny, mais les démarches ont échoué. Voilà que plus de 20 ans plus tard, à l’occasion d’un débat sur l’avenir de ce site patrimonial, le sujet refait surface. Mais qui étaient ces Tourigny, et d’où sont-ils venus? Quelle a été leur contribution à la vie communautaire, sociale et paroissiale à Magog?

Alfred (1870-1928) est celui qui est venu s’installer à Magog, en 1897. Né à Batiscan le 18 janvier 1870, neuvième d’une famille de 10 enfants, il était le fils de Louis Elzéar Tourigny (1819-1884) et d’Eugénie Trudel (1835-1915). Son père était cultivateur à Batiscan et sa mère était issue d’une famille d’avocats, de journalistes et de politiciens. Ernest, le frère d’Alfred, a hérité de la ferme familiale de Batiscan. Un autre est devenu Jésuite et le cadet a exercé la médecine à Trois-Rivières.

Les familles Tourigny et Trudel ont émigré de France au cours du XVIIe siècle. L’ancêtre Tourigny s’est installé dans la région de Bécancour et l’immigrant Trudel à L’Ange-Gardien, près de Québec. Le père d’Eugénie Trudel était un cultivateur à l’aise de Sainte-Anne-de-la-Pérade, et son grand-père Olivier Trudel (1781-1859) représenta le comté de Champlain à l’Assemblée du Bas-Canada de 1830 à 1838. Un oncle d’Eugénie, François-Xavier Anselme Trudel (1838-1890) était avocat et fut l’un des hommes les plus engagés face aux problèmes politico-religieux de son époque. Il a été le fondateur du journal L’Étendard, la voix des catholiques romains. Sa biographie apparaît dans le Dictionnaire biographique du Canada.

À la suite de ses études primaires à Batiscan, Alfred fait son cours classique au séminaire de Trois-Rivières et ses études de droit à l’Université Laval de Montréal. Au recensement de 1891, il demeure à Ville Saint-Laurent chez sa tante Joséphine Tourigny, dont le mari, Henri Trudel, est avocat, journaliste et rédacteur en chef du journal Étandard, fondé par son père. Trois frères d’Henri (Augustin, Pierre et Paul), aussi étudiants en droit, demeurent à la même enseigne. L’on peut facilement imaginer les sujets de conversation qui avaient cours à la maison!

Son diplôme en poche, Alfred ouvre son bureau d’avocat à Waterloo, où il y a déjà au moins cinq avocats en exercice. Il y pratique le droit pour une courte période et il arrive à Magog en 1897. Le 10 août 1898, à Sainte-Geneviève-de-Batiscan, le jeune avocat épouse Clara Marchand (1871-1948). Le couple aura onze enfants, dont trois décèdent en bas âge.

En 1900, le couple loue le sous-sol de la maison de l’îlot et y emménage avec leur premier enfant. La famille grandit et, en 1907, ils en ont maintenant six. Quatre autres, dont deux décèdent en bas âge, naîtront entre 1908 et 1913. Alfred achète la propriété de madame Margaret Birnie, épouse d’Alexander Morrison. Tous deux sont originaires d’Écosse et Morrison est arrivé au Canada en 1872. Le livre de bord du bateau sur lequel il a fait la traversée indique qu’il est célibataire et menuisier. Il exerce d’abord son métier à Montréal et, devenu entrepreneur, il arrive à Magog au début des années 1880 et construit ladite maison. Vers 1890, les affaires l’appellent à Vancouver, où sa femme ira le joindre avec leur fils quelques années plus tard.

À suivre

Maurice Langlois