En mai 1972, on célébrait la fête des Mères au Kentucky

Lorsque les années 1970 débutent, il y a déjà belle lurette que les Magogois font leurs emplettes dans des entreprises commerciales affiliées à des chaînes dont le rayonnement dépasse leur ville. Le phénomène est bien connu en alimentation, avec Dominion et Atlantic & Pacific (A & P) par exemple. Il est également répandu dans le commerce de détail avec le Woolworth’s et le Farmer, deux magasins constituant, eux aussi, des pôles d’activité sur la rue Principale.

Dans le domaine de la restauration, l’annonce en 1972 de l’arrivée à Magog d’une franchise de La Villa du poulet frit à la Kentucky constitue une première. Cette chaîne américaine, qui a vu le jour dans les années 1950, est maintenant implantée dans plusieurs pays, notamment au Canada depuis les années 1960. Ses marques de commerce, l’image de son fondateur Harland Sanders, dit «le colonel» (un titre honorifique), ainsi que sa «recette secrète» aux onze herbes aromatiques sont familières sur tout le continent.

Lorsque La Villa du poulet frit Kentucky ouvre ses portes, en mai 1972, les Magogois répondent nombreux à l’invitation du président Douglas Patrick et du gérant Marcel Bousquet. Pour la fête des Mères, ils ont droit à une promotion : un cadeau gratuit à celles et ceux qui se procureront un seau (14 morceaux) ou un baril (20 morceaux) de poulet, pour respectivement 4,25$ et 5,75$! L’offre attise la curiosité : une file de gens s’étire devant le 50 Merry Nord le dimanche 14 mai pour voir si elle sera à la hauteur des attentes.

C’est le début d’une tendance lourde. Aux côtés des restaurants locaux comme Riviera, Café royal, Magog Bar-B-Q, Joe’s Diner, Pizzeria Orford, etc., d’autres chaînes s’établiront avec le temps à Magog et dans les alentours (Mcdonald, Mike’s, Rôtisseries Saint-Hubert, Pizza Hut, Subway, etc.) Une coexistence qui se poursuit aujourd’hui.

Leur présence fera graduellement oublier le rôle précurseur du PFK, sigle sous lequel la chaîne sera connue à partir du début des années 1990. Même après que celle-ci eût cessé ses activités sur la rue Merry Nord, on continuera de «parler poulet» à cet endroit puisque c’est la Rôtisserie Fusée qui occupe l’espace entre 2012 et 2014.

La démolition de ce bâtiment, en mai 2015, ne laissera qu’un vide temporaire. Plusieurs ont cependant dû y regarder à deux fois en constatant sa disparition, 43 ans après son érection. Pour des milliers de nos concitoyens, il faisait en quelque sorte partie des meubles.

Enfin, pas tous. Car pour plusieurs de nos aînés, ce terrain a déjà eu une allure bien différente. Quelques années auparavant, on retrouvait en effet à cet endroit une grange spacieuse dans laquelle logeaient les chevaux utilisés au fil des ans par l’«Industrial Specialty» ou «bobbin shop» (angle John et du Moulin), une filiale de la Dominion Textile, et par la Ville de Magog. On y entreposait aussi de l’équipement. Rasé au printemps 1969, ce bâtiment ne laisse aucun souvenir derrière lui.

 

Par Serge Gaudreau