«Il n’y a rien de plus irrésistible qu’une idée dont le moment est venu»

Permettez-moi d’utiliser votre tribune pour rendre hommage aux membres de la Coopérative de solidarité du Mont-Orford que j’ai eu le bonheur de représenter au sein du conseil d’administration.

J’habite temporairement à l’autre bout du monde, mais je continue à lire vos pages avec le plus grand intérêt et je serais vraiment désolée si les médias ne retenaient de notre Coopérative que les aspects économiques ou politiques, car c’était tellement plus que ça!

Je suis devenue membre très tôt dans l’aventure. Jamais je ne pourrai oublier cette belle journée de printemps où plus d’une centaine de personnes ont sacrifié les premiers rayons chauds du soleil et se sont enfermées dans une polyvalente pour imaginer ensemble un projet qui leur ressemblait. J’ai surnommé cet événement «une orgie de créativité». Je n’en revenais pas de sentir autant d’enthousiasme et d’entendre autant de propositions intelligentes; je me croyais sur une autre planète. C’est à la suite de cette tempête d’idées (brainstorming) que j’ai décidé de m’installer en Estrie.

La Coopérative de solidarité du Mont-Orford, ce n’était pas d’abord un mode de gestion, mais avant tout une vision. Plusieurs centaines de personnes qui partageaient leur amour de la montagne, qui se faisaient confiance, qui voulaient «créer ensemble», et qui étaient convaincues que le modèle coopératif est de loin le mieux adapté à la réalisation collective d’un projet.

Au contact des membres coopérateurs, j’ai raffiné ma compréhension du développement durable. Ce dernier doit nécessairement passer par l’engagement du plus grand nombre, car le monde est devenu trop complexe pour être la responsabilité de quelques-uns. À cet égard, les membres de la Coopérative du Mont-Orford constituaient un incomparable réservoir de compétences et d’expériences diverses, une grande source de créativité et un puits d’énergie pour inventer le monde qu’on aimerait bien laisser aux futures générations.

Deux visions du monde se sont affrontées dans ce qu’on appelle la «saga du Mont-Orford». Pour les uns, la montagne est avant tout un instrument de développement économique et un attrait touristique, pour les autres elle est d’abord un lieu d’appartenance, une source d’inspiration et de respect, un objet d’attachement. Pour les uns, les élus sont des fondés de pouvoir chargés de gérer le bien public, pour les autres, ce sont des représentants choisis pour faciliter la réalisation de nos projets collectifs. Mais dans un monde qui se complexifie constamment, toutes les visions sont bienvenues et c’est pourquoi mes collègues n’ont pas hésité à proposer une fusion avec la Corporation Ski et Golf Mont-Orford. Je crois que cette collaboration aurait été fructueuse. Malheureusement, rien dans la lettre que nous avons reçue au début de janvier ne laissait supposer que la «porte restait ouverte au modèle coopératif».

Mon message est une initiative personnelle et n’engage en rien mes collègues du conseil d’administration. Permettez-moi cependant de remercier et féliciter ces travailleurs acharnés, compétents, sincères et dévoués qui n’auront jamais hésité à sacrifier des heures de loisirs et même de sommeil pour servir notre cause. Madame et Messieurs, ce fut un réel plaisir de travailler avec vous.

En terminant, je souhaite sincèrement la meilleure des chances à la Corporation, tout en invitant les membres de la Coopérative à rester aux aguets, car, comme disait la célèbre anthropologue Margaret Mead, «il n’y a rien de plus irrésistible qu’une idée dont le moment est venu». Il ne l’était pas encore, il pourrait l’être la prochaine fois…

 

Andrée Mathieu

Citoyenne de Magog

Ex-membre du CA de la Coopérative de solidarité du Mont-Orford

Professeur de développement durable à la retraite