Pierre Demers cherche des producteurs pour louer son quota de lait

Quand le médecin vous annonce que vous avez le cancer et que vous devez vous plier à des traitements de chimiothérapie, la vie bascule soudainement. Surtout quand on est père de trois jeunes enfants (10, 8 et 7 ans) et que l’on est propriétaire d’une imposante ferme. Plein de choses trottent alors dans la tête de l’homme affecté. Recouvrer la santé, assurer l’avenir de la famille et protéger l’entreprise deviennent instantanément des priorités.

C’est un peu la petite histoire de Pierre Demers, un producteur agricole de la municipalité de Stanstead-Est à qui l’on a diagnostiqué un cancer en novembre 2007.

Dès qu’il a appris qu’il était atteint d’un type de leucémie et qu’il pourrait possiblement en mourir, notre homme de 37 ans a rapidement amorcé des démarches auprès de la Fédération des producteurs de lait du Québec afin de connaître les modalités pour louer son quota de lait. «Je n’étais plus en mesure de m’occuper adéquatement de mon troupeau. Malgré l’aide de mon entourage (son épouse Julie et son père François), il me fallait ralentir la cadence, notamment en raison de mes traitements de chimio», raconte celui-ci. Il s’est même résigné à vendre une importante partie de son troupeau (92 vaches laitières) mais tenait ardemment à conserver la relève (76 têtes) pour éventuellement reprendre les activités avec sa propre génétique.

Il a alors élaboré un dossier dans lequel il s’est attardé à expliquer le contexte, les raisons de sa demande et ses intentions futures. Constatant que le dossier cheminait plus ou moins vite, son frère Jacques s’est offert de prendre les choses en main. Il s’est déplacé à Longueuil afin de plaider sa cause. Il a si bien fait les choses, que la Fédération l’a autorisé à louer son quota pour une période de 5 mois, soit jusqu’au 30 juin.

C’est en voulant renouveler cette entente qu’il s’est buté à l’intransigeance de la Fédération et de sa rigide règlementation. «Ça m’a grandement étonné de voir qu’on me refusait ça puisqu’ils avaient accepté une première fois, mentionne le producteur agricole.. Dans mon esprit, je croyais qu’il s’agissait d’une formalité d’usage. Même si j’avais l’appui de mes confrères agricoles et de la Fédération de l’Estrie qui a fait des représentations pour moi, mes deuxième et troisième demandes ont été refusées. À la Fédération, les têtes dirigeantes semblaient réellement sympathiser avec moi mais craignaient de créer un précédent. Ils avaient peur d’ouvrir une brèche pour ceux qui abusent constamment du système et qui trouvent toujours toutes sortes de façons pour contourner les lois.»

Les médias s’en mêlent…

Un bon matin, son bon ami Claude Carrier lui a proposé de mettre ça entre les mains des médias. Pierre était plus ou moins chaud à l’idée, mais il n’a pas eu le temps de trop penser que les journalistes de TVA et Radio Canada étaient à sa porte. Il en a profité pour raconter son histoire, tout en prenant soin de ne pas trop égratigner la Fédération.

Un avocat (Ghislain Richer), ayant été témoin des reportages à la télé, s’est alors empressé de contacter la famille Demers pour leur offrir son aide. Très touché par cette histoire, il se disait disposé à défendre cette cause devant la Régie des marchés, entité désignée pour trancher ce genre de litige. «Cet avocat s’est montré très sensible à mon endroit. Il m’a assuré qu’il allait s’occuper de mon cas sans m’envoyer de facture. Pour lui, ma guérison est tout ce qui compte en bout de ligne.»

L’avocat a bien fait ses devoirs. Tant et si bien que Pierre Demers est maintenant en mesure de louer son quota de lait pour une autre période de six mois. Le problème, c’est qu’il est incapable de trouver preneur. «C’est dommage que la décision ait été prise si tard parce qu’en juillet, des gens s’étaient montrés intéressés. Mais je continue d’espérer que le téléphone sonne», indique Demers qui garde le moral tout en reprenant ses forces peu à peu.

Je n’ai pas fait toutes ces démarches là pour ma seule cause, je l’ai aussi fait pour ouvrir le chemin à d’autres qui se retrouvent dans une situation similaire à la mienne. Pour ma part, je n’ai jamais tenté d’abuser du système. Je ne veux qu’une chose : retrouver la santé et reprendre mes activités comme c’était le cas avant que la maladie surgisse. Il me semble qu’en 2008, on ne devrait plus être obligé de se battre comme ça pour prouver qu’on est malade et pour revoir les règlements à la satisfaction de ceux qui en ont besoin. Des professionnels de la santé et des tas de gens pouvaient facilement témoigner et confirmer ma situation. Heureusement, aux dernières nouvelles, j’ai appris que le règlement était sous analyse actuellement. J’espère qu’on saura faciliter la vie aux gens malades», de conclure Demers qui a investi 50 000 $ pour le système de traite, ce qui confirme son grand intérêt à poursuivre les opérations sur la ferme.