La rareté du patrimoine québécois le rend encore plus précieux

Pour contrebalancer le discours qui tend à rendre les projets de conservation comme des tâches impossibles puisqu’on nous montre ad nauseam des images de la décrépitude et qu’on insiste à faire des gros plans sur tout ce qui pèle, s’écaille, etc…

Le patrimoine québécois est rare, un peu comme l’est le territoire agricole, sa rareté le rend encore plus précieux et aussi plus fragile. Le patrimoine québécois mérite une attention particulière, il a été envahi par une architecture hors contrôle depuis les années 1960 surtout, l’harmonie urbaine et architecturale a fait place à une agglomération de bâtiments hirsutes, hétéroclites et sans contrôle, si bien que ce patrimoine se perd dans l’indifférence totale. Un vieux bâtiment est souvent perçu comme un bâtiment comme les autres, il n’est que vieux.

Cette attitude peut être renversée et mettant en oeuvre une politique de reconnaissance patrimoniale, en imposant de véritables règles par les biais de programmes d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA). ou par le comité consultatif en urbanisme (CCU). Le Québec a perdu au fil des siècles plus de 75% de son patrimoine par une succession d’incendies, de nos guerres contre les Anglais et les Amérindiens.

Pourtant notre pays n’a jamais connu de guerre interne depuis la rébellion de 1837. Comment expliquer alors une telle détérioration et une telle indifférence pour que ces bâtiments soient toujours menacés comme l’étaient jadis les lépreux. Une démolition dure à peine 24 heures, ensuite plus rien.

Les regrets a posteriori ne reconstruisent plus ce qui sera ruines et poussière. De plus à ce jour nous n’avons aucune expertise technique objective et indépendante  pour évaluer son potentiel de remise-en-état.

Voici pour compenser, une image de cette maison dans sa plus simple expression, dépouillée, démaquillée, sans annexe telle qu’elle a dû être dans ses premières années de construction, une fois qu’elle aurait reçu les soins appropriés. C’est une illustration bien sûr mais qui donne une idée assez juste de sa réalité au tournant du siècle.

Je cite un extrait des propos de feue Jacqueline Hallé, historienne de l’architecture: «Cette maison a une valeur patrimoniale certaine. D’inspiration second Empire, elle est coiffée d’une mansarde percée de lucarnes surmontées de fronton triangulaire et sa corniche est supportée par des consoles ouvragées. Son revêtement en brique ajoute à la solidité du bâtiment compact et carré.

Le rez-de-chaussée surélevé et la longue galerie en retour d’équerre sont deux éléments familiers de la maison québécoise. Bien sûr la résidence a subi quelques modifications au cours de son histoire qui ne sont pas irréversibles. Cette maison est mise en valeur par son implantation sur un site exceptionnel.

Elle forme avec l’église Saint-Patrice et son presbytère ainsi que l’ancienne école un ensemble architectural unique qui mérite une mise en valeur et une politique de conservation dans son aspect actuel et sur le même emplacement. 

La maison date des années 1880. Elle est vendue en 1907 par Alex Morrison à Alfred Tourigny. Ce dernier, avocat à Magog depuis 1898, est secrétaire-trésorier de cette municipalité de 1905 jusqu’à sa mort en 1928. La maison restera propriété de la famille Tourigny jusqu’en 1985.

Claire Tourigny-Laforest l’occupe après 1958 d’où le nom de maison Tourigny-Laforest. Cette famille importante de Magog est propriétaire plus de ¾ de siècle. Cette réalité historique rehausse la valeur patrimoniale de la maison.»

Roberpierre Monnier,architecte, me.urb. Ste-Catherine-de-Hatley