Un vote qui suscite des réactions

MAGOG. Le vote ayant mené à la suspension temporaire du directeur général, Armand Comeau, et du directeur des pompiers, Luc Paré, continue de faire jaser. Au-delà de la division chez les élus (5 pour, 4 contre) qui suscite son lot de questionnements, certains s’interrogent sur la procédure entourant cette décision.

Il est à se demander si le conseiller Jean-Guy Gingras, qui s’est prononcé en faveur de la suspension lors de la séance du 18 janvier, aurait dû se retirer du vote en raison d’un conflit d’intérêts avec un des cadres visés par la résolution, soit M. Comeau. Ce dernier fait l’objet d’une poursuite judiciaire par M. Gingras, dans un autre dossier, concernant des propos diffamatoires. Ainsi, le conseiller avait-il l’indépendance et l’objectivité nécessaires pour prendre une décision éclairée et impartiale dans l’intérêt de la communauté?

Le spécialiste en droit municipal de l’Université de Sherbrooke, Guillaume Rousseau, admet que cette situation peut sembler problématique à l’égard de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale. Il cite l’article 5.3.1 du Code de déontologie adopté par Magog en 2013, sur les conflits d’intérêts, déclarant qu’il est interdit à tout membre du conseil d’agir, de tenter d’agir ou d’omettre d’agir de façon à favoriser, dans l’exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels. Il rappelle aussi, selon l’article 5.2.1, que ces règles ont pour objectif de prévenir toute situation où l’intérêt personnel du membre du conseil peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions.

«Par une analyse sommaire, il m’apparaît difficile de supposer que M. Gingras a fait totalement abstraction du litige dans lequel il est personnellement impliqué pour prendre cette décision. Il aurait été alors plus prudent de ne pas voter», soutient-il.

Sans se prononcer si M. Gingras contrevient à la loi, M. Rousseau soutient que s’il y avait bel et bien faute, les sanctions contre le représentant municipal seraient toutefois mineures. «Si une plainte était déposée dans ce dossier, il y aurait à mon avis assez d’éléments pour être recevable au ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire. Ce serait ensuite à la Commission municipale du Québec d’enquêter, mais à la lumière des informations que j’ai sous la main, j’imagine difficilement plus qu’une réprimande. S’il y avait eu un conflit d’intérêt pécuniaire, les conséquences seraient plus sérieuses, mais ce n’est pas le cas ici», ajoute-t-il.

Une image négative

Même son de cloche du côté du chargé de cours à l’École de politique appliqué à l’Université de Sherbrooke, Emmanuel Choquette, qui croit que le bon sens aurait dû amener M. Gingras à se retirer, surtout pour éviter toute ambiguïté. «Je ne dis pas que la décision de M. Gingras n’était pas la bonne, mais il ne peut pas en vouloir à ceux qui sont dérangés par la situation. Celle-ci porte à confusion et malheureusement, elle entretient le cynisme et l’image négative qui affecte déjà énormément le monde municipal.»

Il rappelle que les liens de proximité sont encore plus marquants dans la politique municipale et que les élus doivent redoubler de vigilance pour éviter tout conflit d’intérêts et même une apparence de conflit d’intérêts.

Dans les règles de l’art

Le conseiller Jean-Guy Gingras affirme avoir fait les vérifications légales nécessaires auprès des avocats de la Municipalité et auprès de l’Union des municipalités du Québec avant de se prononcer. «Les seuls moments où je dois me retirer lorsqu’il est question de M. Comeau, c’est lorsque c’est un point qui concerne ma poursuite. Pour le reste, j’ai le droit», mentionne-t-il.

M. Gingras s’était d’ailleurs retiré le 18 janvier lorsque le conseil a mandaté le cabinet Monty Sylvestre pour défendre les intérêts de M. Comeau dans le dossier qui implique également M. Gingras.

Le représentant du district Du Marais insiste sur le fait que sa décision a été uniquement basée sur la recommandation de la firme, qui suggèrerait la suspension des deux cadres le temps que l’enquête soit complétée.

Silence pour la doyenne

Avec un vote aussi serré, on peut aussi se demander pourquoi la conseillère Denise Poulin-Marcotte a préféré s’abstenir de voter. Lors de cette séance, elle agissait à titre de mairesse suppléante en l’absence de Vicki May Hamm. Cependant, ce rôle ne l’a pas empêché de demander le vote à quatre reprises sur des points portant sur le projet de la Place Tourigny. «J’ai préféré me retirer, car ma position n’était pas encore prise au moment du vote. Et à titre de mairesse suppléante, j’avais le droit de m’exprimer ou non», explique-t-elle.

Tout en demeurant silencieuse sur sa position dans ce dossier, et ce, même quelques jours plus tard, Mme Poulin-Marcotte assure que le résultat du vote ne la fait pas regretter sa décision.

Patrick Lemieux – Union des municipalités du Québec

«Après vérification, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur le vote qui a eu lieu au conseil municipal de Magog pour suspendre deux hauts fonctionnaires de la ville. Nous n’avons pas non plus d’autres commentaires à faire à cet effet, d’autant plus que des enquêtes sont en cours dans cette affaire.»

Sylvianne Lavigne – Greffière à la Ville de Magog

«Je considère que la Ville a bien agi dans les circonstances. Je ne ferai pas d’autres commentaires.»