Les erreurs médicales sous la loi du silence

SANTÉ. Actuellement, pour être indemnisées, les victimes d’erreur médicale doivent poursuivre au civil dans un processus long et coûteux. La loi du silence règne visant à faire échec aux demandes d’indemnisation des victimes. Le «no-fault», comme c’est le cas à la Société de l’assurance automobile du Québec et à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, serait-il la solution à cette problématique?

Robert Tétrault, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, défend la pertinence d’un régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité. «Les médecins s’exposent à des poursuites civiles, il y a donc un réflexe de défense et une culture du silence. Il n’y a pas beaucoup d’intérêt à être transparent», constate-t-il.

Selon lui, très peu de patients obtiennent d’être indemnisées par la voie des poursuites civiles, par rapport au nombre de victimes potentielles. La mise en œuvre des principes de responsabilité civile soulève des obstacles pratiquement insurmontables pour la plupart des cas d’accidents thérapeutiques. Le processus est long, coûteux et aléatoire. Lorsqu’on y a recours malgré tout, les quelques victoires s’obtiennent après que les parties concernées aient investi des efforts et des ressources financières hors de proportion avec le résultat final. Le caractère dissuasif des poursuites civiles n’est pas clairement établi. La crainte des poursuites semble plutôt susciter des comportements défensifs de la part des soignants.

«Avec le no-fault, c’est la victime avant tout. Nous devons l’indemniser sans égard de la responsabilité du médecin ou de l’hôpital. À l’heure actuelle, il faut identifier la personne qui a fait la faute. C’est parfois très compliqué. L’argent qu’on dépense pour chercher le coupable, c’est autant d’argent qu’on n’a plus pour aider la victime», soutient M. Tétrault.

Des opposants au «no-fault» font valoir que son application entraînerait une détérioration de la qualité des soins puisque le personnel et les établissements se trouveraient de ce fait à l’abri des poursuites civiles.

«La plupart des médecins font leur travail de façon professionnel. Nous devrions regarder sur ce qui se passe en Nouvelle-Zélande où il y a un régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité depuis 1974», affirme-t-il.

Puissante protection pour les médecins

Au Canada, c’est l’Association canadienne de protection médicale (l’ACPM) qui recueille les contributions du monde médical et des gouvernements pour protéger les médecins contre les poursuites. Cette association dépense presque autant en frais juridique qu’en indemnisations.

Ainsi, une proportion significative des sommes investies par les médecins, par les établissements et par le gouvernement sont consacrées à des mesures qui visent en premier lieu à faire échec aux demandes d’indemnisation des victimes.

L’ACPM n’est pas une compagnie d’assurance, mais plutôt une société mutuelle de défense juridique des médecins. Dans cette perspective, la réussite ne réside pas dans le versement d’une indemnité aux victimes, mais plutôt dans le fait qu’on parvient à éviter que cela se produise.

«Le but, c’est d’indemniser le moins possible de personnes. Le mandat, c’est de protéger les médecins contre les poursuites. Cette association a les moyens de se payer les meilleurs experts. Chez les patients, c’est chacun pour soi», déplore M. Tétrault.

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